Sinistre mémoire…

Louis-Ferdinand Céline… Tout le monde en pense quelque chose. Comme de la météo ou du Pape. Il y a bien sûr ceux qui sont contre : « C’est un salaud ». Mais il y a aussi ceux qui sont pour : « C’est un salaud. Mais un grand écrivain. Mais un salaud ». Cochez la case de votre choix. Quel choix… Notre liberté nous est présentée comme un QCM : les chemins à emprunter sont goudronnés et balisés. Si tu optes pour le hors-piste, tu prends tes responsabilités : Louis-Ferdinand, on n’oserait pas l’évoquer sans se barricader derrière ces clichés d’infamie, de haine et d’heures sombres. C’est forcément un sale type, quelqu’un d’infréquentable à propos de qui l’assistance d’un coaching idéologique est vivement conseillée au néophyte en littérature.

Ne revenons pas sur le génie furieux de sa plume. Unanimité ou quasi. Mais le bonhomme… Est-il ce parangon absolu de saloperie que notre époque se complaît à dépeindre ? Un individu à mettre au ban de l’humanité, avec quelques autres intellectuels qui n’ont pas, eux, échappé aux balles vengeresses d’une épuration sévère mais injuste ? C’est tellement pratique de se façonner des épouvantails afin d’oublier notre propre laideur. Car nous sommes tous pétris de la même glaise, et la nôtre n’est pas plus pure que celle des traîtres qui furent condamnés à l’indignité nationale, à une rafale FTP ou à une tonsure non monastique sous les hourras d’une foule en liesse. Avoir été dans le sens de l’Histoire, c’est là le vrai discriminant entre ceux qui iront au Panthéon et ceux qui iront à la fosse commune.

Le Ministre de la Culture a capitulé. En tentant de ne pas perdre la face. En vain : il a déjà assez de casseroles au cul, faut le comprendre. Et puis Céline est mort ; qu’est-ce que ça change pour lui, un hommage de plus ou de moins ? Il n’est plus dans le show-business, alors que Frédéric l’est encore et sait à quel point les places sont chères. Et ses amis boxeurs quadragénaires ne sont plus là pour le défendre, alors…

Aujourd’hui, Dieu est peut-être mourant mais la religion se porte plutôt bien. Enfin, la nouvelle religion surtout… Sartre et Beauvoir y forment une Sainte Famille sans enfant et le Che en est un Messie pas vraiment ressuscité. Louis-Ferdinand Céline, quant à lui, a rejoint le cortège des damnés. Et la damnation – nous rappelle Mitterrand le Jeune – est éternelle…

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.