De Charybde en Scylla

Le féminisme, c’est quoi, au juste ? Personne ne sait trop, en vérité. Car celles qui s’en réclament n’ont pas toutes le même panthéon. Si le combat jadis mené par les Suffragettes force mon respect, j’avoue que celui des « tricoteuses » ne m’emballe pas autant. La stratégie fonctionne ainsi, d’ailleurs : aujourd’hui, les militantes les plus véhémentes essaient de nous faire croire qu’il n’est pas possible d’exercer le moindre tri au sein de tout ce qui fut l’objet des revendications féministes : c’est tout ou rien. Beaucoup estiment que l’avortement légalisé participe du même mouvement que le droit de vote accordé aux femmes ou l’égalité salariale dans l’entreprise. Je ne suis pas de cet avis.

Nous avons tous entendu parler de ces américaines qui jetèrent leurs soutiens-gorge pour exprimer leur refus d’une esthétique qui leur aurait été imposée par la gent masculine. Certaines finirent par rejeter toute forme de féminité – reflet évident de l’ancestrale domination phallocrate qui réduit la femme à un ornement – pour parvenir à la silhouette d’un sac de ciment. Après tout, pourquoi les hommes auraient-ils le monopole de la moustache et des cheveux en brosse, sur les chars fleuris paradant sur les Grands Boulevards ?

Plus récemment, c’est une nouvelle bataille qui a vu s’engager les légions féministes : le port du voile intégral, qui dissimule avec ostentation le visage de celles qui le portent. Leur réaction – avec une démesure coutumière – a pris le contrepied consistant à vanter les mérites des tenues sexy – ce qualificatif étant allègrement confondu avec « vulgaire ». Marche arrière toute ! La femme moderne, progressiste et laïque, est dorénavant priée de revêtir des vêtements qui ne cachent pas trop de chair : la mémoire de deux siècles de guerre ouverte contre les cultes dans l’hexagone réclame bien cela. La résistance à l’obscurantisme – et quelle que soit la religion, nous rappellent-elles avec insistance – s’effectuera au prix de courbes offertes au regard concupiscent des mâles honnis.

Et le string deviendra peut-être, un jour, l’emblème de la lutte sans merci contre les théocrates – de tout poil, répètent-elles en boucle ! Surplombant fièrement la ligne de flottaison d’un pantalon à la taille excessivement basse, il sera à la fois l’uniforme et l’arme de ces héroïnes prêtes à sacrifier leur pudeur pour la liberté de leurs consœurs. La Patrie reconnaissante érigera-t-elle un monument en hommage à la pétasse inconnue ? Quoi qu’il en soit, je constate, avec l’arrivée des beaux jours, que les hostilités ont déjà commencé. Et je ne suis pas certain de souhaiter leur victoire…

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.