« Notre liberté de nous habiller. Voilà ce que nous voulons. » Ça débute comme une tirade girondine devant la Convention. On imagine le locuteur : redingote, culotte, bas de soie, lavallière, tout le tralala. L’instant est solennel : les libertés fondamentales sont en jeu. Au besoin, on joindra le geste à la parole en coupant quelques têtes qu’on hissera sur des piques afin de montrer au despote que, désormais, le choix des étoffes appartient au peuple souverain.
Catégorie : Youth of today
Beaucoup de bruit pour rien
La communauté métallique est en émoi : le site du prochain Hellfest vient d’être vandalisé – j’ai failli dire « profané » – à quelques jours de la tenue de cette grande fête festive. Tandis que la gendarmerie recherche laborieusement les coupables, les journalistes les ont identifiés illico presto : les « Chrétiens intégristes ». Il faut dire qu’un certain nombre d’inscriptions taguées laissent à penser que leur auteur préfère communiquer dans un mauvais latin que dans un bon français. Ce serait tellement bien s’il s’agissait vraiment de Catholiques – même des Sédévacantistes ou des Gallicans feraient l’affaire.
Depuis le temps que les complotistes à la mode fourestienne s’échinent à nous convaincre que la cinquième colonne papiste fomente et ourdit contre Le changement c’est maintenant, Je suis Charlie, Il est interdit d’interdire et autres droits de faire ce que je veux… Voilà la Curie romaine, l’Opus Dei, la Manif pour Tous unis pour restaurer l’Inquisition ainsi que la chasse aux sorcières et le lancer de nains hérétiques.
Les Droits de l’Homme au bout du flingue
Je dois confesser mon espoir que quelque militant – ou simple compagnon de route – de la FIDL échoue ici, probablement suite à une requête mal orthographiée sur Google, et lise – selon la fameuse méthode globale dont il est l’un des dégât collatéraux – ce texte qui va dire du mal de lui et de ses sbires ridiculement grandiloquents.
La propagande actuelle nous affirme que, bien qu’ils soient encore en plein apprentissage, ces teenagers sont déjà en mesure de saisir tous les enjeux posés par les questions de géopolitique ou de macroéconomie. En oubliant que leur niveau culturel correspond, peu ou prou, à celui qu’avaient leurs aïeux à l’école primaire. Mais conscients du potentiel tactique que représente cette masse de jeunes, quelques politiciens rusés font mine de s’enthousiasmer devant une telle aptitude à se mobiliser pour faire les clowns dans la rue. Bien entendu, personne ne songerait à soupçonner ces lycéens de se saisir de prétextes politiques pour sécher les cours en toute impunité, hein… Usant de toute la démagogitude dont elle est coutumière, Ségolène Royal les a envoyés dans les pattes du président Sarkozy, son ennemi juré. Il faut bien que servent à quelque chose ces gangs d’écervelés.
Les lycéens ont un idéal !
Solidaires ? Non : grégaires !
Je viens vous parler d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. Le ministre de l’Éducation Nationale d’alors s’appelait Monory, mais il se fit voler la vedette par son délégué chargé de l’enseignement supérieur, Alain Devaquet. Ce dernier profita de son passage éclair au gouvernement pour énerver une bonne partie de la jeunesse – il eût été bien sot de s’en priver. Et c’est une bavure policière, rue Monsieur le Prince, qui mit fin aux jours d’un malchanceux allergique aux coups de matraque, ainsi qu’au projet de loi qui avait déclenché l’ire estudiantine.
Entretemps, les manifestations se multiplièrent, au rythme du désormais célèbre « … si tu savais, ta réforme, où on s’la met… ». Dans mon lycée, un quarteron d’élèves au charisme dévoyé nous répétait scrupuleusement les mots d’ordre que des adultes avaient mis dans les crânes. Une prof d’histoire-géo – physique ingrat et pull-over rouge – tenait lieu de commissaire politique. Ensemble, ils galvanisaient leurs camarades et les exhortaient à lutter contre le Mal, c’est-à-dire le RPR.
Osez la séduction !
La politique, croyez-moi, ça ne s’improvise pas. C’est un art bien trop complexe pour des gens comme vous et moi, surtout vous. Car il faut savoir conjuguer culture générale, intelligence, aisance gestuelle, bronzage, et tout. J’en veux pour preuve cette prestation époustouflante d’un futur – ancien maintenant – président de la Vème République qui, en l’espace d’une minute, se mit dans la poche la jeunesse entière du pays pour plusieurs décennies.
L’indignation était presque parfaite
Ton parcours te destinait quasi-inévitablement à une carrière d’apparatchik, rue de Solférino : militantisme à la FIDL® (pendant ta dernière année de terminale, au Lycée Robespierre), puis à l’UNEF® (pendant ta première – et dernière – année de socio, à Nanterre), et enfin à SOS-Racisme® (pendant ta première année au RSA, dans ta piaule). Pour l’instant, on t’a cantonné à l’achat des piles pour le haut-parleur et à la photocopie des tracts. Mais tu sens bien que tu es appelé à un destin plus grand : lutter contre le Mal et voir en vrai Ségolène Royal. Et tu rêves de pouvoir faire, à ton tour, le célèbre numéro de l’indignation « citoyenne »© devant les caméras du journal télévisé, comme tes idoles Benoît et Martine, les deux pleureuses officielles du parti. Et pour cela, tu me demandes de te montrer comment faire.
Éphèbophobie
Pour commencer, et avant d’aller plus loin dans cette étude aussi rigoureusement menée qu’un documentaire de Mordillat et Prieur, les deux faussaires de l’exégèse historico-critique, il faut tout d’abord définir ce qu’est un « jeune ». Un jeune est un être humain. Ou presque. Ce qui en fait une espèce à part n’est pas tant son âge – susceptible de varier de 7 à 77 ans – que sa culture – inculture conviendrait mieux, me glisse-t-on à l’oreille – qui le pousse à fuir tout ce que le génie humain a élaboré depuis que l’Homo Sapiens a troqué la peau de mammouth contre un costume de prêt-à-porter bon marché.
Il apparaît que le jeune goûte avec volupté la littérature classique. Non, je plaisante. En vérité, sa maîtrise insuffisante de la langue officielle le condamne inexorablement à préférer les Beat them all, ces jeux vidéo dans lesquels il laisse s’exprimer toute sa finesse d’esprit en dézinguant à foison des ennemis virtuels dans une guerre des gangs sans merci. À propos de langage, nous ne pouvons que déplorer les mutations tchernobyliennes ayant abouti à l’apparition d’un idiome qui rendrait malade plus d’un académicien. Décrypter ce sabir-SMS demande un effort comparable à celui qu’effectua Champollion face aux hiéroglyphes au sens encore inviolé. À la légère différence que le savant susnommé pouvait s’émerveiller devant ces signes extraordinaires d’esthétisme et de mystère, tandis que nous, nous sommes conduits vers une consternation proche du désespoir en face de ce dialecte issu des ravages conjugués des réformes éducatives, des messageries instantanées, et sans doute aussi d’une forme de dégénérescence cellulaire des masses cérébrales.
La donna è mobile
Il y a quelques jours, lors d’un débat télévisé, la vidéo d’une chanson de Diam’s fut passée en guise d’illustration sonore, avant que les gens sérieux ne prennent la parole. Visiblement, notre diva de la rime pauvre reçut l’inspiration des muses du texte engagé avant de produire cette mélopée qui restera, à coup sûr, dans les annales de la chanson réaliste. Toutefois, je persiste à rester dubitatif devant la pertinence des positions qui y sont exprimées.
Passons sur les lyrics empreints d’une vulgarité qui n’a rien à envier à certains de ses collègues masculins…
Passons sur le niveau poétique de l’opus : un fastidieux name-dropping de marques emblématiques de ce qui est supposé être son univers à elle…
Passons sur une vision manichéenne et surprenante de la société, dans laquelle le dealer est quasiment présenté comme un Robin des Bois des temps modernes…