Catégorie : Facheune

Le seum

« Notre liberté de nous habiller. Voilà ce que nous voulons. » Ça débute comme une tirade girondine devant la Convention. On imagine le locuteur : redingote, culotte, bas de soie, lavallière, tout le tralala. L’instant est solennel : les libertés fondamentales sont en jeu. Au besoin, on joindra le geste à la parole en coupant quelques têtes qu’on hissera sur des piques afin de montrer au despote que, désormais, le choix des étoffes appartient au peuple souverain.

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De Charybde en Scylla

Le féminisme, c’est quoi, au juste ? Personne ne sait trop, en vérité. Car celles qui s’en réclament n’ont pas toutes le même panthéon. Si le combat jadis mené par les Suffragettes force mon respect, j’avoue que celui des « tricoteuses » ne m’emballe pas autant. La stratégie fonctionne ainsi, d’ailleurs : aujourd’hui, les militantes les plus véhémentes essaient de nous faire croire qu’il n’est pas possible d’exercer le moindre tri au sein de tout ce qui fut l’objet des revendications féministes : c’est tout ou rien. Beaucoup estiment que l’avortement légalisé participe du même mouvement que le droit de vote accordé aux femmes ou l’égalité salariale dans l’entreprise. Je ne suis pas de cet avis.

Nous avons tous entendu parler de ces américaines qui jetèrent leurs soutiens-gorge pour exprimer leur refus d’une esthétique qui leur aurait été imposée par la gent masculine. Certaines finirent par rejeter toute forme de féminité – reflet évident de l’ancestrale domination phallocrate qui réduit la femme à un ornement – pour parvenir à la silhouette d’un sac de ciment. Après tout, pourquoi les hommes auraient-ils le monopole de la moustache et des cheveux en brosse, sur les chars fleuris paradant sur les Grands Boulevards ?

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Éphèbophobie

Pour commencer, et avant d’aller plus loin dans cette étude aussi rigoureusement menée qu’un documentaire de Mordillat et Prieur, les deux faussaires de l’exégèse historico-critique, il faut tout d’abord définir ce qu’est un « jeune ». Un jeune est un être humain. Ou presque. Ce qui en fait une espèce à part n’est pas tant son âge – susceptible de varier de 7 à 77 ans – que sa culture – inculture conviendrait mieux, me glisse-t-on à l’oreille – qui le pousse à fuir tout ce que le génie humain a élaboré depuis que l’Homo Sapiens a troqué la peau de mammouth contre un costume de prêt-à-porter bon marché.

Il apparaît que le jeune goûte avec volupté la littérature classique. Non, je plaisante. En vérité, sa maîtrise insuffisante de la langue officielle le condamne inexorablement à préférer les Beat them all, ces jeux vidéo dans lesquels il laisse s’exprimer toute sa finesse d’esprit en dézinguant à foison des ennemis virtuels dans une guerre des gangs sans merci. À propos de langage, nous ne pouvons que déplorer les mutations tchernobyliennes ayant abouti à l’apparition d’un idiome qui rendrait malade plus d’un académicien. Décrypter ce sabir-SMS demande un effort comparable à celui qu’effectua Champollion face aux hiéroglyphes au sens encore inviolé. À la légère différence que le savant susnommé pouvait s’émerveiller devant ces signes extraordinaires d’esthétisme et de mystère, tandis que nous, nous sommes conduits vers une consternation proche du désespoir en face de ce dialecte issu des ravages conjugués des réformes éducatives, des messageries instantanées, et sans doute aussi d’une forme de dégénérescence cellulaire des masses cérébrales.

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Less is mort

Comment ne pas avoir envie de rigoler devant ces échoppes hype du Marais ou de Saint-Germain-des-Prés ? Ambiance : grand local vide, murs blancs, sol en béton ciré et un portant au milieu de la pièce. Pardon, du showroom ! Et quatre ou cinq T-shirts qui pendouillent sur des cintres. En accrocher davantage ferait cheap. Ne vous avisez pas de demander s’il y a le même modèle en XL : on n’est pas chez Décathlon ! Quant à la taulière : une créature austère et évanescente qui hante les lieux, allant et venant de la cabine d’essayage au tiroir-caisse. Elle est forcément vêtue de noir : c’est le dress code exigé pour vendre des raretés en jersey au prix d’un RMI.

J’aime flâner, en passant d’une vitrine de boutique à celle d’une galerie d’art contemporain. Elles ont quelque chose du magasin de farces et attrapes, le côté joyeux en moins. Car le commerce branché exige que l’on escroque le chaland avec un air grave et prétentieux. Question de conscience professionnelle…

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.

Du vintage

Vous venez de tomber sur la page de ce site d’enchères sur internet qui vous interpelle : « VEND SUPERBE VESTE CUIRE MARON VINTAGE A SAISIRE ! » Vous avez compris ou bien (entre nous : je déteste cette expression) ? Une affaire comme ça, vous n’avez pas le droit de la rater. C’est quasiment un cadeau qu’on vous fait. Alors, vous attendez quoi, au juste, pour taper 80 (euros) dans la case prévue à cet effet, puis cliquer sur « Confirmer l’enchère », hein ? Car vous allez acquérir un objet rare. Rare, donc cher. Cher parce que vintage.

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