Harlem shake

Tourner sept fois sa langue dans sa poche avant de l’avoir vendue au chat : voilà ce qu’aurait dû faire Harlem Désir au moment où lui est venue, tout récemment, l’envie de se rappeler au buzz des amateurs de ses bons mots. Dans le souci qu’il a, dorénavant, de justifier son salaire, il multiplie les clashes à l’encontre de ses adversaires politiques dont il s’emploie à dénoncer les idées abjectes.

Sur le fond, il a une vision du monde aussi binaire que celle d’un militant de la FIDL. Mais là où le maître se distingue de l’élève, c’est dans le style littéraire. Si le lycéen indigné se contente de scander des slogans hypnopédiques, le patron de la rue de Solférino s’est discipliné à user d’une prose plus subtile. Il a appris à manier la métaphore et la périphrase pour traiter qui bon lui semble de « fasciste » de façon classieuse. Il évoquera ceux qui viennent « ronger le pacte républicain », ceux qui ont « perdu leur boussole républicaine » ou encore ceux qui font se développer un « climat antirépublicain ». On l’aura remarqué : notre camarade – qui veut lancer une « croisade républicaine » – ne craint pas la répétition ad nauseam. Parfois, il s’aventure à déclamer des formules plus artistiques telle la « nébuleuse de la haine » qui ferait un excellent titre pour un polar ésotérique. Mais l’historien qui sommeille en lui sait varier les plaisirs et nous gratifier de références au « vocabulaire des années 30 ». Malheureusement, trop d’Histoire tue l’Histoire : il s’est bêtement pris les pieds dans le tapis le jour où il a revisité les heures sombres de la Guerre d’Espagne. Sa version des faits concernant le sort des réfugiés du camp républicain tranchait sensiblement avec ce qui ressort du travail des universitaires. C’est dommage.

Il a tout de même réussi à pousser le bouchon encore plus loin, depuis : notre agent antidérapant a apostrophé les mous du genou qui tergiversaient devant l’option d’une intervention militaire en Syrie et voulu démontrer ainsi que ce sont eux les bisounours. Reprenant son champ lexical de prédilection, il les a affublés de l’épithète « munichois ». Rien à voir, bien sûr, avec Oktoberfest, la célèbre fête de la bière. La Septemberfest dont rêve le premier secrétaire serait, elle aussi, passablement arrosée mais autrement…

Le plus grave, ici, n’est pas qu’un homme politique de premier plan – au moins par la fonction qui lui a été confiée – persiste et signe dans une médiocrité rhétorique dont l’instauration d’un permis à points Godwin nous préserverait. Ce qui est insupportable, plus même que la virilité mal placée qu’exprime cette invective, c’est cette légèreté à envisager d’entrer en guerre – appelons un chat un chat – dans des circonstances très discutables. En cela, notre pote se joint aux habituels intellectuels bellicistes qui, depuis une table de café du VIème arrondissement, veulent instaurer la paix sur Terre à coups de mortier lourd, le tout sous la conduite d’un président de la République en surrégime. Pyromanes déguisés en pompiers, ces adeptes inconditionnels d’une éthique de conviction imbibée de manichéisme, n’embarrassent pas leur cogito de considérations aussi triviales que les conséquences d’un acte, la complexité du réel, ou simplement le droit international. L’éthique de responsabilité, elle, ne sacrifie pas des gens aux idées, fussent-elles aussi éclatantes qu’une chemise blanche grande ouverte sur un torse bronzé. S’il avait existé, Jean-Baptiste Botul se retournerait dans sa tombe. En attendant, chaque jour, des centaines de personnes rejoignent la leur prématurément à cause d’un conflit sanglant qui n’a que trop duré.

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.