Saint-Merry libéré

L’archevêque de Paris a décidé de mettre un holà à cette foire pseudo-concilaire installée dans cette église qui ne méritait pas cette occupation comparable à un squat – ne manque que les tags sur les murs et les cannettes de bière au sol. Pour le reste, tout y est dans l’idéologie progressiste : refus de l’autorité, de la doctrine, de la liturgie. Bref, de toute marque de catholicisme. Vous aviez instauré un soviet dans une paroisse qui n’en demandait pas tant, juste de pouvoir assister à la messe – plutôt qu’à un cirque bavard – et à approcher des prêtres que vous avez vus – pour les récalcitrants – comme des ennemis de classe. Vous n’êtes pas pour la réforme mais pour la révolution culturelle, avec cette sensibilité de Gardes Rouges pour ceux qui représentent, à vos yeux, les tenants d’un pouvoir révolu et honni.

Contrairement à ce que vous pensez, vos gesticulations ne sont pas les fruits du Concile mais juste quelques épluchures en chemin vers le compost. L’état de vos troupes en est la meilleure preuve : un aréopage de vieux croûtons qui tuent le temps en jouant au curé et, accessoirement, en pourrissant la vie de celui qui en a – et pour son grand malheur – canoniquement le titre. Mais, enfermés dans vos lubies soixante-huitardes et votre charité sélective vous avez instauré une ZAD avant-gardiste – ou gauchiste et plus, si affinités – dans une église paroissiale qui ne vous appartient pas et que vous avez néanmoins confisquée progressivement aux fidèles catholiques qui n’ont que faire de vos combats anticléricaux aux relents de naphtaline. Bien entendu, vous éprouvez la plus grande indifférence pour ces derniers. Sauf quand vous êtes un peu plus ronchons et venez à les considérer avec quelque mépris comme des « bons catholiques ». Chez vous, il ne s’agit pas d’un compliment, on aura deviné. Vous vous réclamez de Vatican II ; qu’en connaissez-vous, au juste ? En avez-vous lu les constitutions principales ? À ce propos on pourrait vous prendre tantôt pour des ignorants, tantôt pour des imbéciles. En l’occurrence, j’opterai pour l’inclusivité : les deux, mon adjudant !

Mais c’est vous qui parlez le mieux de vous, avec une candeur presque touchante : « Même vieillissante, sa communauté de personnes le fait avec une grande indépendance d’esprit. » Indépendance de personnes âgées vis-à-vis de quoi ? Du catholicisme ? Vous évoquez une « Église parisienne, française ou occidentale qui ne cesse de perdre ses effectifs ». Votre coterie occidentalo-franco-parisienne a-t-elle fédéré des foules lors de ses happenings dominicaux ? Vous posez vous-mêmes la cerise sociologique sur le gâteau ecclésial : « les chrétiens du Centre pastoral et de la Paroisse qui animent ce lieu, souvent des personnes des classes créatives, des classes moyennes et supérieures, des personnes au seuil de l’Église romaine traditionnelle, mais provenant rarement des milieux populaires ». Et de préciser : « les retraités prennent une place prépondérante dans la vie de cette communauté. » En fait, vous êtes de la même engeance que ces néo-ruraux qui passent leur temps à lancer des procédures judiciaires contre leur voisin agriculteur dont les vaches ou le coq les empêchent de profiter de leur retraite en grasse-matinant. Le parisianisme est une pathologie, pas une spiritualité.

Car vous réagissez aux signes chrétiens comme un démon recevant de l’eau bénite. Il y a des termes qui semblent vous écorcher la bouche – dogme, curé, confession… Bref, tout ce qui distingue une religion d’un éther où l’on s’auto-célèbre. Et qui conforte dans ce sentiment qu’on a le monopole du Christ. Ceux qui connaissent un peu l’Histoire de l’Église contemporaine connaissent les nuisances de vos congénères à l’encontre des prêtres, des paroisses et des sacristies. La Constitution Civile du Clergé doit vous sembler assez tiède, en fin de compte. À la Légende Dorée, vous pourriez rajouter Robespierre sans y voir le moindre problème.

S’il persiste chez vous une once de catholicisme, il doit s’en trouver à dose homéopathique. Imaginer vos messes combinant « les chants humanistes, les commentaires sans langue de bois, ou bien en appelant les fidèles à prendre librement le micro » donnerait au croyant ordinaire – le « bon catholique » que vous vomissez avec délectation – une circonstance atténuante pour aller à la pêche ou au bistro. Souhaitons à vos fous de la messe une panne de micro… Vos hommages réitérés au protestantisme incite à se demander ce qui vous en distingue. Ainsi, vous déclarez : « Il semble que les Églises protestantes, apparues dans un contexte de crise politique et religieuse, aient fort bien compris les virages historiques à prendre pour être en phase avec leur époque : le croyant a contact direct avec Jésus sans devoir passer par un clerc intermédiaire ». Jean Calvin n’en aurait pas changé une virgule. Idem lorsque vous demandez « quelle validité possède alors le sacrement de l’ordre, instauré comme un retour à des pratiques anciennes ? Ce sacrement qui sépare volontairement les baptisés, qui engendre l’établissement d’un pouvoir de soumission ? » en présentant le Christ comme le premier bouffeur de curé de l’Histoire. Décidément, les progressistes, ça ose tout.

Toutefois, il serait erroné de vous résumer à de simples Réformés qui s’ignorent. Vous syncrétisez, en réalité, tout ce qui réduit le christianisme à une petite morale de faux humbles – mais vrais cuistres – convaincus d’être les uniques dépositaires des valeurs évangéliques. Il suffit de lire le Credo que vous affichez : « Je crois en Jésus et je crois qu’il est le Christ. Dieu s’est révélé à lui et l’a pris pour fils. » Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir ; vous, vous faites de l’adoptianisme sans le savoir. Une hérésie antique pas très catholique. Ni très chrétienne, d’ailleurs, tant elle détériore la foi trinitaire. Vous avez fait précéder ce passage par ceci : « Je crois en Dieu sans pouvoir le définir, il est la transcendance qui donne une autre dimension à ma vie. Je ne connais pas son nom, je n’ai de lui aucune image [blablabla] ». Pourquoi ne pas l’appeler le Grand Horloger ? Cette profession de foi relève d’un déisme que n’aurait pas renié Voltaire. Pas grand chose avec la foi des Apôtres.

Mais après tout cela, vous venez pleurnicher parce qu’on vous a congédiés d’un lieu de culte catholique que vous aviez pris pour une MJC. Au-delà de la dimension dogmatique – mot qui a chez vous valeur d’insulte – le rapport que vous entretenez avec l’Église catholique dénote d’une aversion préoccupante. Vos compagnons de route ont exprimé leurs rancœurs de manière assez révélatrice. En voici un florilège.

« Aupetit n’est pas l’archevêque de Paris mais le grand inquisiteur par son comportement. Il a pris l’habit de Tomas de Torquemada ou de Diego de Dieza. »

« Les méthodes staliniennes mises en œuvre par l’Archevêque de Paris ont un (mauvais) goût de déjà vu… Mise à l’index, excommunication, inquisition etc. Il est étonnant de voir de telle méthode se faire par ceux-là mêmes qui disent être des disciples du Christ. »

« L’église de la haine va encore l’emporter. Normal, c’est la nature profonde de toute institution religieuse. Ce n’est pas par hasard que les medias catholiques utilisent les mots « atypique », « expérimental »… il ne faudrait pas que pratiquer le message du Christ, l’amour inconditionnel, devienne la norme à l’église ! »

« Quittons la nef catholique pour embarquer sur d’autres voiliers poussés par le vent de l’Esprit ! »

« Et maintenant ce choc : le cléricalisme semble prévaloir. En 2021, personne n’a plus besoin d’une telle église, elle ne mérite plus de vivre. »

Pour finir, ce message laissé sur la page de la pétition pro domo : « L’Eglise doit être un lieu de tolérance. » Au siècle dernier, un écrivain français avait dit élégamment : « La tolérance, il y a des maisons pour ça. »

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.