Un peu de dignité

Tentant de défendre le projet de loi sur les retraites, le Premier Ministre, Élisabeth Borne a osé l’argument ad personam – degré zéro de la rhétorique et de la dignité – à l’encontre d’un député en le qualifiant « d’opposant notoire au mariage pour tous ». Elle évoque, elle balance pas. Faut-il s’abandonner au mépris de soi – davantage encore qu’à celui des autres – pour se permettre ce genre de répartie… L’Intelligence Artificielle aurait proposé un plaidoyer moins misérable.

Même si elle est habituellement peu amène avec ses collègues, elle aura su faire, cette fois-ci, preuve d’une mansuétude suspecte à l’égard de certains d’entre eux qui ne s’engagèrent pas dans le camp du Progrès lors des débats agités de 2013. Son glaive vengeur a opportunément épargné ces égarés afin de leur offrir la rédemption au service du libéralisme sociétal. À moins qu’il ne s’agisse d’une simple amnésie ; ce qui disculperait sa bonne foi au détriment de sa santé mentale. Alzheimer l’emporterait donc sur Machiavel.

Mais revenons à la marque d’infamie dont certains tentent de se défaire, avec plus ou moins d’habileté. Moins, en fait. En ce moment, les médias célèbrent avec emphase le dixième anniversaire du Mariage Pour Tous, projet de loi jadis présenté par Christiane Taubira comme une « réforme de civilisation ». Son expression est tellement grandiloquente qu’on l’a attribuée à la « fachosphère » – l’épouvantail qu’on agite à gauche quand on panique cérébralement – alors qu’elle a réellement osé le formuler ainsi. Ce qui est écrit est écrit. Avant Hollande, la barbarie.

Ceux qui avaient choisi de défiler avec la Manif Pour Tous sont dorénavant blacklistés. Vae victis. On n’hésite pas, y compris dans la presse réputée, à rédiger des listes des ci-devant, agrémentées d’un crachat à chaque nom. Pas comme celles, évidemment, que feu Marat paraphait dans sa baignoire. Plutôt, peut-être, comme ces fiches établies par le Grand Orient, malencontreusement pris les doigts dans le pot de confiture ensuite ; il s’en est bien remis depuis.

S’il est une liste que l’on publie sans ressentiment c’est celle des pénitents. Ils implorent la miséricorde médiatique et viennent faire leur autocritique, chacun son tour, en remémorant leur engagement passé avec une contrition presque sincère. Darmanin, Pécresse, Coppé, Vautrin et tutti quanti ont compris que le sens de l’Histoire ne s’envisageait qu’à l’aune de leurs plans de carrière respectifs. On est dans le court terme : celui qui se situe entre leurs prochaines vacances estivales et le jour de leur retraite politique. Cette attitude est humaine, faute d’être admirable.

Souvenons-nous de cet échange entre Philippe Bouvard et Jacques Tricatel dans le film L’Aile Ou La Cuisse :
– « Je vous en prie, Monsieur Tricatel. La France vous regarde, un peu de dignité ! »
– « Dignité, mon cul ! »

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.