« Nous sommes tous des Pussy Riot ! » : le slogan éculé est proclamé avec la gravité qui sied à pareille cause. Devant la caméra complice de quelque journaliste sans recul, ce Don Quichotte à la petite semaine joue son rôle de manifestant avec un art un peu trop dramatique. Le ridicule ne le tuera pas, heureusement. Heureusement, car, après avoir montré son indignation à tous les passants, il a sans doute prévu d’aller faire la fête avec ses copains intermittents de l’antifascisme. Les Pussy Riot, il n’a pas que ça non plus dans sa vie…
Si vous avez raté le début : Pussy Riot est un groupe punk russe dont trois membres – des jeunes femmes – ont été condamnées au « goulag pour une chanson » dixit Libé. Certains médias osent même parler d’une « prière punk » clamée dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou. On connaissait les spiritualités franciscaine, carmélitaine ou cartusienne. Désormais, on pourra également compter sur la mystique punk pour élever son âme vers Dieu. La lex orandi keuponne vient apporter un vrai renouveau dans la manière de s’adresser au Bon Dieu et à ses saints. Le contenu des oraisons – accompagnées de riffs de guitare électrique – prononcées lors du happening incriminé fait apparaître un savant mélange d’invocations chrétiennes et de vitupérations libertaires, le tout baignant dans une coprolalie assez peu usitée en temps normal dans une église.
Lesdites punkettes ont rapidement fait des émules parmi les punks à chien occidentaux qui se sont livrés, en guise de contestation, au même type d’agitprop, le risque en moins. Un pogo dans une de nos églises ne scandalise plus grand monde, surtout pas certains responsables politiques qui n’ont cure du respect des lieux de culte chrétiens. Une curieuse conception de la liberté d’expression – à géométrie variable – qui sait prendre ses aises avec l’État de droit.
Mais revenons à nos moutons. Les grands médias hexagonaux ont été plutôt avares en détails à propos de l’œuvre polymorphe des Pussy Riot. Cela eut risqué d’écorner l’image de simples militantes droit-de-l’hommistes en colère. Car leurs faits d’armes ont fréquemment versé dans le trash, gratuit qui plus est. C’est avec force exhibitions pornographiques qu’elles prétendent servir la condition féminine. On pourra douter de l’efficacité de l’entreprise…
Quant à la musique – nous utiliserons ce terme faute de mieux – qu’elles jouent, et hâtivement étiquetée « punk » sous prétexte qu’elle vise à choquer le bourgeois, elle méritait à elle seule une sanction pénale, du fait de sa médiocrité. Leurs vociférations cacophoniques nous renvoient aux heures les plus sombres du rock alternatif français qui a souvent fonctionné sur le postulat selon lequel plus la musique elle est mauvaise, plus le punk-rock il est authentique. Instruments en main, les Pussy Riot feraient passer un groupe comme X-Ray Spex pour un conservatoire de virtuoses. En résumé : c’est du bruit, rien d’autre.
On peut imaginer que cet emballement médiatique va, comme à son habitude, finir par s’essouffler à brève échéance. On passera à un autre sujet de mobilisation à peu de frais en laissant ces adeptes du hooliganisme sonore chanter des litanies destroy du fond de leur ermitage sibérien.
Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.