Les Femen ont-elles une âme ?

Quel talent, ces Femen ! Parvenir à incarner avec une telle intensité la vulgarité, l’inculture et l’imbécilité réunies force le respect. Bon, il est peu probable qu’elles aient eu à pratiquer la méthode de Stanislavski pour réussir cette performance : leur numéro d’hystérie extatique ne tient pas du rôle de composition. Mais elles veulent faire parler d’elles et l’on ne peut nier qu’elles y parviennent et, ce, sans jamais tomber dans la finesse.

Récemment, elles avaient organisé un show à Milan. Voulant mettre un coup de pression à Berlusconi qui présentait sa candidature aux dernières élections législatives, elles étaient arrivées désapées, peinturlurées et belliqueuses comme à leur habitude. Elles scandaient « Basta Sylvio », imaginant naïvement bouter l’animateur des soirées « bunga bunga » par la seule force de trois paires de nénés.

Et c’est avec leur immuable modus operandi qu’elles s’étaient rendues à Rome, sur la place Saint-Pierre, afin de houspiller le Pape dès qu’il apparaîtrait à son balcon. L’annonce qu’il fit, par la suite, de son départ dut convaincre définitivement nos pétroleuses de l’efficacité redoutable de leurs strip-teases militants. Ces mouches du coche de la condition féminine sont tellement persuadées d’œuvrer pour le progrès, la justice et l’humour, qu’elles osent tout, comme disait Audiard. « Nous irons jusqu’au bout. » déclare leur cheftaine blonde, comme un défi lancé aux tenants du patriarcat totalitaire et obscurantiste dans lequel nous vivons. Au bout de quoi ? Si c’est au bout de la bêtise, le terminus s’approche.

Bien sûr, leurs manifestations mammaires amusent, outre quelques punks à chiens, l’inévitable Caroline Fourest qui s’est chargée de rédiger leur Légende Dorée. L’essayiste a réalisé un film de propagande diffusé en prime time à la gloire de celles qui montrent leurs seins – et plus, si affinités – à tous les passants. Un documentaire garanti sans aucun recul, comme elle en a le secret, canonisant cette poignée d’agitées qui ridiculisent celles qu’elles prétendent représenter.

L’avocat du diable rappellera leur éthique à géométrie variable : elles ont une fâcheuse tendance à se considérer plénipotentiaires face à ceux qui ne pensent pas comme elles – si l’on veut bien considérer qu’elles pensent. Elles parlent beaucoup de « liberté » et de « démocratie » mais en y donnant un sens très nord-coréen. Rejoignant ici les intégristes de toutes obédiences, elles estiment que l’erreur n’a pas de droits. Une philosophie un brin totalitaire qu’elles assument sans fausse pudeur. « En tant que féministes, nous considérons que nous devons avoir un avis sur tout, pas seulement sur les sujets qui ne concernent que les femmes. Sur la mondialisation, sur le réchauffement climatique, sur tout. », affirme Inna qui ne doute de rien. On peut craindre qu’elle n’ait les yeux plus gros que le cerveau.

Spécialistes de l’oxymore, les Femen n’hésitent pas à qualifier leurs interventions d’ « agressives » en même temps que « pacifistes ». Les nombreuses vidéos qui montrent leurs exploits confirment le premier épithète. Moins le second. Quand elles ne trimballent pas des extincteurs qu’elles vident sur la foule, elles optent pour la distribution de gifles et coups de pieds pacifistes. Malheureusement pour elles, certains de leurs opposants, plutôt que de tendre l’autre joue, optent pour un contre-don de middle-kicks peu évangéliques. Estimant tout à coup que le jeu n’est plus rigolo, elles s’en vont, chouinantes, rapporter à qui veut les entendre qu’elles sont victimes de vilains méchants qui leur font des misères. Omnes enim qui acceperint gladium, gladio peribunt

Ces créatures feraient passer la femme de Cro-Magnon pour une précieuse. Leur prédilection pour la coprolalie, le blasphème, l’exhibitionnisme, le pugilat et le sabotage suscitent évidemment l’enthousiasme des quelques idéologues fossilisés abonnés à Charlie Hebdo. Si la plupart de ces agissements relèvent de la petite délinquance, ce sont également des symptômes. À vue de nez, je leur conseillerais l’exorcisme.

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.