8 avril 2013, 7 heures et des poussières : Jean-Louis Mélenchon, chef de file du Front de Gauche, vient d’apprendre par la radio la mort de Margaret Thatcher. Malgré une légère gueule de bois causée par les tequilas boum boum de la veille, il se sent soudain envahi par une sensation de bien-être assez inhabituelle chez lui. Lors, il se précipite sur son ordinateur, encore vêtu de son pyjama made in DPRK, dans un réflexe tout reptilien : il va s’exprimer sur Twitter afin de répandre pour ses 137.807 abonnés une parole forte, solennelle, digne d’un ex-candidat à la présidence de la République. Le lettré qu’il est cisèle un message – presque un haiku – qui sera posté afin de satisfaire ses followers avides de vérité. À 7h 33, le verbe se fait tweet : « Margaret Tchatcher va découvrir en enfer ce qu’elle a fait aux mineurs. »
Beaucoup pensaient que Jean-Claude Mélenchon ne croyait ni à Dieu ni à Diable : erreur ! Il a, à plusieurs reprises, professé sa foi envers le second. On constate que sa religion à lui comporte, elle aussi, une dimension sotériologique, avec toutefois un accent franchement mis sur la damnation. Pour ce qui concerne le salut, son espérance semble se limiter à l’avènement du paradis socialiste à la place de cette république qui tolère encore les agissements des bigots réactionnaires.
Jean-Pierre Mélenchon, c’est Savonarole qui aurait rencontré le petit père Combes. S’il ne se dit ni athée ni anticlérical, il se déclare néanmoins « adversaire de l’Église », qualifiant au passage Benoît XVI de « grand inquisiteur » et reprenant les accusations mensongères faisant du pape François un collabo de la junte militaire du général Videla. Son attachement à l’Amérique Latine le porte nettement moins vers les Cristeros que vers les Barbudos. Car le camarade, qui voue aux gémonies l’ancien Premier Ministre britannique pour sa gestion du conflit avec les mineurs en 1984-1985, manifeste une mansuétude préoccupante pour des régimes autrement plus sanguinaires que celui de feue la Dame de Fer.
Ainsi, Cuba ne serait pas une dictature d’après lui. Mais n’oublions pas qu’il fut professeur de français, pas de mathématiques : les exécutions d’opposants par milliers – entre 15.000 et 17.000 depuis 1959 – ne l’empêchent pas de dormir, et l’existence d’une multitude de prisonniers politiques lui en touche une sans faire bouger l’autre, comme disait le poète. Quant à la République Populaire de Chine, elle reçoit de sa part une absolution générale. Dans sa bouche, le Tibet n’est qu’une théocratie obscurantiste au folklore ridicule. Fort de cette raison si chère aux Fils de la Lumière, il se gausse des superstitions d’une bande de « bons à rien » qu’il convient de convertir au matérialisme dialectique au moyen de coups de matraques bien sentis.
Loin de moi cependant l’idée d’assimiler Jean-Yves Mélenchon aux défunts Kim Il-sung, Enver Hoxha ou au presque défunt Fidel Castro. Non, son modèle à lui c’est Hugo Chavez, le leader charismatique parti récemment au Valhalla des marxistes-léninistes. La politique que ce dernier mena au Venezuela nous donne une idée de ce qui nous guetterait avec l’instauration de cette VIème République promise par notre ami du peuple : pas vraiment une dictature, mais pas vraiment une démocratie non plus. Ces deux hommes ont un point commun : un parler viril. Car l’orateur communiste se doit de se distinguer, par son verbe haut, de l’engeance sociale-traîtresse : la plèbe – se dit-on – aime la gouaille et les biscottos. Et on va lui en servir de la vitupération, de l’invective et de l’éructation. Désigner à la vindicte populaire le « salopard », le « larbin » ou le « facho » fait désormais partie des figures imposées du discours mélenchonien, vociféré plus que déclamé. Notre tribun a probablement découvert les vertus anesthésiantes de l’adrénaline : la foule ainsi haranguée n’ira pas chercher la petite bête dans la rhétorique du chef.
Le dicton selon lequel « Tout passe, tout lasse. » risque bien de se vérifier à la longue. Quant, à force de débordements verbaux, Jean-Christophe Mélenchon aura fini par être perçu comme un saltimbanque plutôt que comme un homme d’État, il lui faudra sans doute songer à une reconversion. Le grand-guignol, c’est bien pour distraire les gens. Pas pour les gouverner.
Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.