Beaucoup de bruit pour rien

La communauté métallique est en émoi : le site du prochain Hellfest vient d’être vandalisé – j’ai failli dire « profané »  – à quelques jours de la tenue de cette grande fête festive. Tandis que la gendarmerie recherche laborieusement les coupables, les journalistes les ont identifiés illico presto : les « Chrétiens intégristes ». Il faut dire qu’un certain nombre d’inscriptions taguées laissent à penser que leur auteur préfère communiquer dans un mauvais latin que dans un bon français. Ce serait tellement bien s’il s’agissait vraiment de Catholiques – même des Sédévacantistes ou des Gallicans feraient l’affaire.

Depuis le temps que les complotistes à la mode fourestienne  s’échinent à nous convaincre que la cinquième colonne papiste fomente et ourdit contre Le changement c’est maintenant, Je suis Charlie, Il est interdit d’interdire et autres droits de faire ce que je veux… Voilà la Curie romaine, l’Opus Dei, la Manif pour Tous unis pour restaurer l’Inquisition ainsi que la chasse aux sorcières et le lancer de nains hérétiques.

Mais supposons qu’il s’agit bien d’un forfait accompli par des Catholiques. On a déjà pu apprécier, par le passé, le dynamisme de ces jeunes maurassiens tentant de concilier thomisme et agitprop. Ils puisent, dans une relecture martiale des Saintes Écritures, l’inspiration pour leurs happenings contestataires. Selon eux, administré ad majorem Dei gloriam, le bourre-pif est vecteur de grâce.

À titre personnel, je trouve assez stupide, contreproductif et finalement peu chrétien ce genre de menaces à l’encontre de personnes qui, pour beaucoup, ne pensent pas à mal. Et quand bien même…  NSJC – poke aux fidèles à chèche ou à mantille – n’a-t-il pas déclaré : « Aimez vos ennemis » ? Peut-être vont-ils exiger que l’on remplace Motörhead, Dead Kennedys ou Alice Cooper par un ces groupes de « rock chrétien » qui chantent comme Sœur Sourire sur un fond de riffs de guitare électrique…

Voilà donc nos amis headbangers confrontés aux méfaits de ceux qui ne croient pas comme eux. Qu’ils sachent que les Chrétiens, eux, vivent ça de façon quotidienne depuis bien longtemps, urbi et orbi ; leurs églises et cimetières subissant les assauts de plus en plus fréquents des zélotes du droit au blasphème. Droit devenu devoir patriotique depuis le 11 janvier 2015. Une ancienne ministre – au stade ultime de son incompétence – déclarait ainsi : « Je suis Charlie à 100%. J’ai envie qu’on bouffe tous du curé. » On passait alors du mépris à l’hostilité, de la guerre froide à la Terreur Rouge. Au nom de la liberté, évidemment.

Parce que tenir, aujourd’hui, les Catholiques pour des comploteurs théocratistes, des évangélisateurs par la kalachnikov ou des terroristes en loden relève d’un confort intellectuel pour libre-penseur sénile. On joue à se faire peur comme le ferait un enfant dans une piscine municipale, imaginant qu’un requin affamé va jaillir sur lui. Staline, déjà, demandait : « Le Pape, combien de divisions ? » Quand on voit que désormais il faut des supplétifs aux troupes de Saint-Nic’ pour bolosser laborieusement  quelques fémènes agressives, on mesure l’état du danger clérical. L’instinct de survie ne ment pas : dans son récent acte de contrition, le coprographe Luz n’a pas affirmé qu’il ne caricaturerait plus Jésus dorénavant.

En revanche, comment faire fi des références ouvertement antichrétiennes véhiculées dans certaines chapelles du « dur rocher » : heavy metal, thrash metal, death metal et surtout black metal ? Les diverses nuances du satanisme y sont présentes, depuis les plus modérés – généralement non-pratiquants – jusqu’aux plus fervents qui escomptent bien gagner leur place en Enfer. Tout n’y relève pas forcément du folklore potache à prendre au second degré. Parfois, on joint le geste à la parole et l’on incendie une église. Ou quelques dizaines. Les ruines prises en photo, ça peut faire une bonne pochette de disque. Pas très original, certes, mais toujours apprécié des connaisseurs.

En somme, la menace que feraient planer les « culs-bénis » sur le Hellfest est très relative. La probabilité de bombe humaine est quasi nulle : dans ce cas, aucun espoir de récompense post-mortem pour le fol-en-Christ qui s’auto-éparpillerait façon puzzle au milieu d’un pogo impie. Mais le week-end promet d’être long pour les gentils organisateurs qui vont cauchemarder de hordes de Louveteaux et de Jeannettes, le couteau suisse entre les dents, venant massacrer un à un les gentils membres des groupes qui ont fait du blasphème un petit commerce honnête. Emmanuel Todd a réussi à foutre la pétoche à tout le monde avec ses « Catholiques zombies ».  Aux dernières nouvelles, on aurait aperçu deux monospaces et au moins trois poussettes rôder à proximité du parc de Clisson…

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.