Ils étaient 10500 selon les organisateurs, 10500 selon la préfecture de police, 10500 selon les journalistes. Un tel consensus est suffisamment rare pour qu’il mérite d’être souligné. Il aura fallu le mouvement des « gilets jaunes » pour susciter une telle union sacrée – contre lui, bien sûr. Face à ce péril factieux, une avant-garde de citoyens raisonnables s’est levée au secours de la République. Ou plutôt de la République en Marche. Pour eux, c’est synonyme.
Face aux « gilets jaunes » on aura dorénavant les « foulards rouges ». Au premier abord, on pourra s’étonner de la couleur choisie qui ferait aisément songer aux komsomols ; peut-être faut-il plutôt y déceler une référence à Christophe Barbier, chantre multimédias d’une idéologie dominante. Quel meilleur signe de ralliement que sa légendaire écharpe écarlate pour manifester en faveur du pouvoir en place ?
Car ce cortège avait, comme mot d’ordre, le respect des institutions – le Président et la Première Dame, le gouvernement et les parlementaires de la majorité bruyante, les banques et les boutiques de luxe. Il est vrai qu’elles ont été parfois malmenées ces dernières semaines : les plus turbulents des « gilets jaunes » ne respectent rien, pas même l’orthographe. La chienlit c’était rigolo en 68 ; maintenant on voudrait pouvoir faire tranquillement les soldes le week-end.
Lorsque le troupeau loyaliste croisa quelques énergumènes du camp honni, la discussion tourna court. Et puisque c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe, le point Godwin retentit aussitôt : « À bas les fachos ! » crièrent les démocrates à court d’arguments. Le chien de Pavlov n’aurait pas aboyé mieux.
Tandis que certains « gilets jaunes » – ou assimilés – s’en sont sévèrement pris aux véhicules, vitrines et monuments – vandalisme largement condamné au sein même de leur mouvement – leurs opposants « foulards rouges » n’auront, quant à eux, enfoncé que des portes ouvertes.
Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.