Catégorie : Désinformation

Aux grands hommes, la patrie reconnaissante

Un journal du dimanche dont je tairai le nom vient de publier son Top 50 des personnalités préférées des français, palmarès dont lesdits français attendent la publication annuelle avec une impatience douloureuse, tant cette information – qui sera aussitôt relayée et commentée par les médias hexagonaux – leur sert de boussole dans la vie de tous les jours. Car le chaland, devenu quelque peu oisif et paresseux depuis qu’il s’est mis à sécher l’assemblée paroissiale, cherche de quoi meubler le jour du Seigneur avec quelque chose de plus nourrissant que le sempiternel bilan des matches de foot de la veille. Il aime qu’on lui parle de ces people qui rendent sa vie plus belle et l’aident à croire en la bonté intrinsèque de l’être humain.

Et chaque année, il voit réapparaître les mêmes noms dans ce martyrologe laïc : ceux de ses compatriotes qui, malgré le taux d’imposition cruel auquel ils sont assujettis, ont su garder intacte leur compassion envers leurs semblables – ou quasi – qui les regardent à la télé. On se rappellera toutefois la présence jadis récurrente, à la tête de ce classement, de l’Abbé Pierre, ancien député à l’accoutrement rustique, qui fut donc non seulement un homme politique – statut normalement proscrit pour atteindre le sommet de ce Top 50 – mais aussi catholique, d’une façon suffisamment théâtrale et anticléricale pour pouvoir néanmoins susciter la sympathie de la ménagère de moins de 50 ans et son époux qui n’ont cure de doctrine papiste.

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Fruits de la Passion

Est arrivé ce qui devait arriver : quelques énergumènes ayant la tête près du bonnet ont apporté leurs outils de bricolage pour faire un sort à cette œuvre de pure provocation – qui ne s’avoue pas comme telle, évidemment – exposée dans une galerie d’art avignonnaise. Une émotion obligatoire a, bien sûr, suivi cet acte de vandalisme chez les défenseurs professionnels de la liberté d’expression. Notre ministre de la Culture s’est indigné comme il se doit, lui qui s’était montré nettement plus pudique lorsqu’il s’agissait de défendre l’œuvre de Céline, il y a peu. Passons. Quant au directeur de la collection Lambert, il a usé d’un champ lexical bien pauvre pour qualifier le forfait commis : retour au Moyen Âge, à la barbarie, à l’Inquisition… Les clichés habituels, quoi.

Mais au fond, ces jeunes « ultracatholiques », loin de porter atteinte au succès de ladite exposition, vont lui assurer au contraire une publicité qu’elle n’aurait pas eue sans leurs coups de marteau et de tournevis. Preuve de l’instrumentalisation de leurs méfaits, le cadre endommagé n’a pas été réparé. S’agissant d’une photo sous verre, il aurait pourtant suffi d’un aller-retour chez Castorama et d’un retirage de la photo pour tout remettre en son état originel, le tout pour quelques dizaines d’euros. Là, en bons commerçants, les responsables du lieu ont choisi de la laisser abîmée, afin de montrer les outrages infligés par les suppôts de l’obscurantisme. Autodafés, chasse aux sorcières et gégène sont à nos portes, cherchent-ils à nous faire comprendre. Eux luttent pour la liberté d’expression. Enfin, surtout la leur. Une liberté no-limit, qui prétend vouloir susciter des réactions. Et lorsque les réactions se produisent réellement, on se mettra à pleurnicher comme Caliméro. En gros, ils aimeraient pouvoir cracher avec délectation sur le chaland en bénéficiant d’une impunité totale et d’une protection garantie.

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Parfum de scandale

Aujourd’hui, c’est au tour d’une exposition artistique présentée à Avignon de faire parler d’elle à cause de – ou grâce à ? – ce qui est devenu une sorte de figure imposée pour nombre de « plasticiens » : le blasphème. Je ne me lancerai pas dans un discours sur un respect des croyances à géométrie variable – il semble néanmoins que les sans-foi reçoivent davantage de considération concernant leurs opinions métaphysiquement nihilistes. Non. Je me contenterai d’évoquer mon sentiment de lassitude profonde devant ces entreprises d’escroquerie en bande organisée que représentent un bon nombre d’expositions d’art contemporain. Le talent ne réside plus dans cette capacité de l’homme à produire quelque chose de beau mais dans l’utilisation du scandale facile et grossier, à la fois comme moyen de publicité et comme légitimation d’une créativité artistique. Car la transgression est devenue un moyen aisé pour faire du buzz, donc du fric. Ce qui, il y a un siècle, choquait encore le bourgeois fait dorénavant se pâmer de snobisme le troupeau des pique-assiette de la culture grouillant chez des parvenus qui s’achètent à grands frais une place dans le monde de l’esprit.

Ils s’appellent Andres Serrano, Maurizio Cattelan, Hermann Nitsch ou encore Chris Ofili, ces margoulins qui ont appris à vendre du vent – même malodorant – au prix de l’or. Une telle entourloupe relève effectivement de l’art. Du grand art, même. Reconnaissons-leur tout de même cette aptitude à savoir provoquer sans prendre des risques démesurés. Ce sont des artistes, pas des kamikazes : lorsqu’on a une famille à nourrir, on calcule avant d’énerver les gens. Et une fois qu’on a mis en balance bénéfices escomptés et périls encourus, on constate que la foi chrétienne offre le meilleur taux. En guise de métaphore, il est moins hardi de piquer le sac à main d’une vieille dame que de faire un braquage à la Banque de France. Parce que, avant de se livrer à leurs forfaits avant-gardistes, ils prennent évidemment le temps de réfléchir : ils ne se sentent aucune vocation au martyre. Ils ont, bien entendu, intégré la variance du facteur risque en fonction de la religion bravée. Ceux qui ont essuyé les plâtres, avant eux, peuvent témoigner du fait qu’une fatwa, ça calme son homme. D’autres ont vu leur cote de popularité baisser au fil de leurs comparutions répétées devant la 17ème chambre correctionnelle. Courage n’est pas témérité, après tout.

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Sinistre mémoire…

Louis-Ferdinand Céline… Tout le monde en pense quelque chose. Comme de la météo ou du Pape. Il y a bien sûr ceux qui sont contre : « C’est un salaud ». Mais il y a aussi ceux qui sont pour : « C’est un salaud. Mais un grand écrivain. Mais un salaud ». Cochez la case de votre choix. Quel choix… Notre liberté nous est présentée comme un QCM : les chemins à emprunter sont goudronnés et balisés. Si tu optes pour le hors-piste, tu prends tes responsabilités : Louis-Ferdinand, on n’oserait pas l’évoquer sans se barricader derrière ces clichés d’infamie, de haine et d’heures sombres. C’est forcément un sale type, quelqu’un d’infréquentable à propos de qui l’assistance d’un coaching idéologique est vivement conseillée au néophyte en littérature.

Ne revenons pas sur le génie furieux de sa plume. Unanimité ou quasi. Mais le bonhomme… Est-il ce parangon absolu de saloperie que notre époque se complaît à dépeindre ? Un individu à mettre au ban de l’humanité, avec quelques autres intellectuels qui n’ont pas, eux, échappé aux balles vengeresses d’une épuration sévère mais injuste ? C’est tellement pratique de se façonner des épouvantails afin d’oublier notre propre laideur. Car nous sommes tous pétris de la même glaise, et la nôtre n’est pas plus pure que celle des traîtres qui furent condamnés à l’indignité nationale, à une rafale FTP ou à une tonsure non monastique sous les hourras d’une foule en liesse. Avoir été dans le sens de l’Histoire, c’est là le vrai discriminant entre ceux qui iront au Panthéon et ceux qui iront à la fosse commune.

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« Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu. »

Bon, pour une fois je ne vais pas traiter d’une question largement éventée : je vais même me joindre au buzz que vont probablement provoquer les quelques citations savamment choisies par les flash-info du futur livre d’entretiens avec le Pape Benoît XVI. BFM et i>télé les font déjà tourner en boucle. Bien entendu, ce qui a le plus intéressé ces journalistes pressés ne touche ni à la théologie ni à la spiritualité : ça ne fait pas vendre – et il faut un minimum de catéchisme pour pouvoir capter. Et puis comment pourraient-ils appréhender le discours de l’Église autrement que par ce regard superficiel et paresseux qui persiste à user de grilles de lecture complètement faussées ? Non, ce qui capte le chaland zappeur concerne avant tout le domaine éthique, spécialement quand cela tourne autour de la braguette. Désormais, la sexualité et la IIème guerre mondiale sont devenues les seuls sujets qui rappellent l’Église au bon souvenir des médias.

Le concours des consultants abonnés ne va certainement pas aider à y voir clair. Odon Vallet – le couteau suisse des débats sur la religion – a bien voulu servir, au débotté, quelques considérations empreintes de l’air du temps devant la caméra. Cette casuistique sur l’utilisation du préservatif lui a fourni de sérieux motifs d’espérer voir l’Église renier la doctrine qu’elle tient depuis vingt siècles. Quant à notre Caroline Fourest nationale, nul doute qu’elle s’exprimera sous la forme d’un « oui mais… » assorti des habituels poncifs visant ce Pape qui s’obstine à rester catholique. Si elle ne sait pas encore ce qu’elle va dire, moi je le sais. Enfin, Mgr Gaillot nous répétera ce sempiternel laïus qui le rend si populaire auprès des chrétiens qui ne croient pas en Dieu… Du moins si quelque journaliste pense à venir l’interviewer, bien sûr.

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Solidaires ? Non : grégaires !

Je viens vous parler d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. Le ministre de l’Éducation Nationale d’alors s’appelait Monory, mais il se fit voler la vedette par son délégué chargé de l’enseignement supérieur, Alain Devaquet. Ce dernier profita de son passage éclair au gouvernement pour énerver une bonne partie de la jeunesse – il eût été bien sot de s’en priver. Et c’est une bavure policière, rue Monsieur le Prince, qui mit fin aux jours d’un malchanceux allergique aux coups de matraque, ainsi qu’au projet de loi qui avait déclenché l’ire estudiantine.

Entretemps, les manifestations se multiplièrent, au rythme du désormais célèbre « … si tu savais, ta réforme, où on s’la met… ». Dans mon lycée, un quarteron d’élèves au charisme dévoyé nous répétait scrupuleusement les mots d’ordre que des adultes avaient mis dans les crânes. Une prof d’histoire-géo – physique ingrat et pull-over rouge – tenait lieu de commissaire politique. Ensemble, ils galvanisaient leurs camarades et les exhortaient à lutter contre le Mal, c’est-à-dire le RPR.

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La poule aux œufs d’or

Après avoir amoché, en 2008, Versailles avec les bibelots kitsch de Jeff Koons – le cru 2009 avec Xavier Veilhan étant à peine « moins pire » – le pétillant Jean-Jacques Aillagon récidive en accueillant Takashi Murakami et son univers manga transgressif. Ce dernier prétend – comme tout artiste contemporain qui a bien appris sa leçon de marketing – « dénoncer ». Car désormais, l’artiste se sent obligé de « dénoncer » : le verbe se mue en intransitif et la démarche esthétique devient politique dans une société risquant à chaque instant de retourner vers ses heures les plus sombres… Mouche du coche surnuméraire, il vient se joindre à la corporation des commissaires politiques plasticiens qui ont compris que, savamment dosée, la provocation pouvait se révéler très rentable financièrement parlant. De fait, la principale difficulté de leur métier consiste à jouer de leurs relations pour se trouver le mécène – collectivité locale ou industriel prodigue – qui voudra bien les entretenir.

Voici donc le château de Versailles meublé de ces objets ronds et multicolores dont la présence semble ne pas incommoder qu’une poignée d’irréductibles royalistes – les visiteurs japonais ou coréens n’ont pas nécessairement le discours formaté du parisien timoré qui ne craint qu’une chose : passer pour un béotien ou un réac. Mais l’art consommé du gérant des lieux comme de ses supplétifs – des consultants télévisuels en histoire de l’art qui parlent comme des vendeurs d’encyclopédies à domicile, à coups d’arguments prédigérés convoquant le pop art, l’impressionnisme et le baroque – vise, plutôt que de convaincre, à dénigrer toute opposition en la présentant comme l’expression des humeurs atrabilaires de dégénérés extrémistes, ce qui n’est pourtant pas toujours le cas.

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Passe-passe herméneutique

À l’instar du test de Rorschach, les déclarations publiques du Pape donnent lieu à de surprenantes interprétations dans lesquelles l’objectivité tient moins de place que les fantasmes, ressentiments ou obsessions. Le lecteur idéologue y trouve ce qu’il y cherchait, après une scrutatio opérée en stricte diagonale, en se contentant de grappiller les quelques mots qui blessent. On obtient alors des perles d’exégèse, issues d’un art plus proche de la gymnastique acrobatique que de la science littéraire. Démonstration ci-dessous.

Extrait n°1
« Ce vœu, l’humanité le doit aux centaines de milliers de personnes, qui, sans aucune faute de leur part, et parfois pour le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive. »

Extrait n°2
« C’est aussi une invitation à savoir accueillir les légitimes diversités humaines, à la suite de Jésus venu rassembler les hommes de toute nation et de toute langue. »

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