Étiquette : caricature

Dessine-moi un curé !

Je ne sais pas ce que j’ai, en ce moment je ne me sens pas très Charlie. À vrai dire, cette forme d’acédie me tient depuis assez longtemps. Mais je ne dois pas être seul dans ce cas puisque on a même développé un traitement pour nous permettre de réintégrer la concorde nationale autour de valeurs aussi fédératrices que la vulgarité, le cynisme et la crétinerie.

Aujourd’hui sort le Charlie Hebdo nouveau auquel on feindra, à l’instar d’un Beaujolais du même acabit, de trouver un bon goût. Devant les kiosques à journaux, on va encore voir ces « citoyen-ne-s » faire le pied de grue pour obtenir leur dose d’insoumission subventionnée. Mais qu’on se rassure : désormais chaque foyer aura son exemplaire dudit journal avec sa poule au pot. Le précédent numéro avait été tiré à près de 8 millions d’exemplaires, celui-là sera tiré à 2,5 millions… pour commencer. Faudrait-il déboiser tout le pays pour fournir les imprimeries, nul ne devra dorénavant être privé de sa feuille de chou empreinte de cet anticléricalisme si désuet. Le bon peuple ne doit pas être privé de ses caricatures hebdomadaires sous prétexte qu’une spéculation morbide a fait grimper la cote du périodique satirique au niveau de celle d’une baudruche de Jeff Koons.

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Athéocratie

A Charlie Hebdo, le numéro spécial caricatures islamophobes devient un marronnier. Est-ce un choix guidé par le marketing – on espère surfer sur la vague créée par un film américain de série Z qui fait le buzz dans tout le Moyen-Orient – ou simplement causé par le manque d’imagination de dessinateurs qui fonctionnent sur des schémas mentaux assez primaires ? Les nombreuses accusations de vénalité ont piqué au vif le directeur de la publication qui a affirmé que « Si les dessinateurs et auteurs de Charlie avaient couru après l’argent, ils n’auraient pas fait Charlie Hebdo [et blablabla] ». En gros, c’est pas pour faire du fric. C’est gratuit. Enfin, presque : 2,50€ multipliés par 200 000. Déjà, lorsque le site internet fut piraté, le patron venait rassurer le chaland : « Une chance tout de même : la boutique en ligne n’est pas touchée. » A quelque chose malheur est bon…

C’est sûr que, lorsqu’ils publient leurs habituels graffitis sur le Pape, le retour sur investissement est bien moindre. Il faut avouer que depuis que la Révolution a guillotiné une partie du clergé français et la IIIème République expulsé une autre partie hors de l’hexagone, les railleries contre l’Église ont peu à peu perdu de leur aspect sulfureux. On a beau verser dans la surenchère, il y a désormais toujours ce persistant goût de rassis. Les représentations ad nauseam de Benoit XVI en criminel / pédophile / nazi n’amusent plus qu’un lectorat conquis d’avance essentiellement composé de libres-penseurs congelés dans la doxa irréligieuse de la Belle Époque et d’adolescents en phase acnéique de révolte.

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