Étiquette : heures sombres

Harlem shake

Tourner sept fois sa langue dans sa poche avant de l’avoir vendue au chat : voilà ce qu’aurait dû faire Harlem Désir au moment où lui est venue, tout récemment, l’envie de se rappeler au buzz des amateurs de ses bons mots. Dans le souci qu’il a, dorénavant, de justifier son salaire, il multiplie les clashes à l’encontre de ses adversaires politiques dont il s’emploie à dénoncer les idées abjectes.

Sur le fond, il a une vision du monde aussi binaire que celle d’un militant de la FIDL. Mais là où le maître se distingue de l’élève, c’est dans le style littéraire. Si le lycéen indigné se contente de scander des slogans hypnopédiques, le patron de la rue de Solférino s’est discipliné à user d’une prose plus subtile. Il a appris à manier la métaphore et la périphrase pour traiter qui bon lui semble de « fasciste » de façon classieuse. Il évoquera ceux qui viennent « ronger le pacte républicain », ceux qui ont « perdu leur boussole républicaine » ou encore ceux qui font se développer un « climat antirépublicain ». On l’aura remarqué : notre camarade – qui veut lancer une « croisade républicaine » – ne craint pas la répétition ad nauseam. Parfois, il s’aventure à déclamer des formules plus artistiques telle la « nébuleuse de la haine » qui ferait un excellent titre pour un polar ésotérique. Mais l’historien qui sommeille en lui sait varier les plaisirs et nous gratifier de références au « vocabulaire des années 30 ». Malheureusement, trop d’Histoire tue l’Histoire : il s’est bêtement pris les pieds dans le tapis le jour où il a revisité les heures sombres de la Guerre d’Espagne. Sa version des faits concernant le sort des réfugiés du camp républicain tranchait sensiblement avec ce qui ressort du travail des universitaires. C’est dommage.

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L’opium du peuple

Chaque année, le service public audiovisuel offre sa saga de l’été à quelques millions de citoyens en demande de divertissements porteurs de savoir avec, si possible, un soupçon de croustillant en sus. Cette fois-ci, l’opus s’appelle Inquisitio et traite, comme son nom le laisse supposer, de la terrible Inquisition, occupation favorite des grands pontes de l’Église catholique pendant le Moyen Âge dont cette dernière n’est jamais complètement sortie, même après Vatican II.

Le Moyen Âge, c’est, grosso modo, la période qui s’étale entre Vercingétorix et la Révolution Française. Pendant ces quelques siècles, l’Église a tenu d’une main de fer toute une population dans les ténèbres de l’ignorance et la crainte de l’enfer. En ce temps où l’on craignait l’hérésie comme la peste, on vantait la foi que professait le charbonnier : faite de crédulité et de fidéisme – il conviendra de se demander, à propos, si cela n’est pas inscrit dans les gènes de la lex credendi romaine – elle s’accommodait assez mal des hardiesses doctrinales sur lesquelles des novateurs tels Jacques Gaillot ou Alain de La Morandais sauront bâtir leur notoriété. Le climat n’encourageait guère à la recherche scientifique et contraignait les Galilée, Nostradamus et autres alchimistes à s’user les yeux à parcourir leurs grimoires dans la pénombre d’une cave du Quartier Latin.

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Sinistre mémoire…

Louis-Ferdinand Céline… Tout le monde en pense quelque chose. Comme de la météo ou du Pape. Il y a bien sûr ceux qui sont contre : « C’est un salaud ». Mais il y a aussi ceux qui sont pour : « C’est un salaud. Mais un grand écrivain. Mais un salaud ». Cochez la case de votre choix. Quel choix… Notre liberté nous est présentée comme un QCM : les chemins à emprunter sont goudronnés et balisés. Si tu optes pour le hors-piste, tu prends tes responsabilités : Louis-Ferdinand, on n’oserait pas l’évoquer sans se barricader derrière ces clichés d’infamie, de haine et d’heures sombres. C’est forcément un sale type, quelqu’un d’infréquentable à propos de qui l’assistance d’un coaching idéologique est vivement conseillée au néophyte en littérature.

Ne revenons pas sur le génie furieux de sa plume. Unanimité ou quasi. Mais le bonhomme… Est-il ce parangon absolu de saloperie que notre époque se complaît à dépeindre ? Un individu à mettre au ban de l’humanité, avec quelques autres intellectuels qui n’ont pas, eux, échappé aux balles vengeresses d’une épuration sévère mais injuste ? C’est tellement pratique de se façonner des épouvantails afin d’oublier notre propre laideur. Car nous sommes tous pétris de la même glaise, et la nôtre n’est pas plus pure que celle des traîtres qui furent condamnés à l’indignité nationale, à une rafale FTP ou à une tonsure non monastique sous les hourras d’une foule en liesse. Avoir été dans le sens de l’Histoire, c’est là le vrai discriminant entre ceux qui iront au Panthéon et ceux qui iront à la fosse commune.

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