Étiquette : manifestation

La transhumance des moutons

Ils étaient 10500 selon les organisateurs, 10500 selon la préfecture de police, 10500 selon les journalistes. Un tel consensus est suffisamment rare pour qu’il mérite d’être souligné. Il aura fallu le mouvement des « gilets jaunes » pour susciter une telle union sacrée – contre lui, bien sûr. Face à ce péril factieux, une avant-garde de citoyens raisonnables s’est levée au secours de la République. Ou plutôt de la République en Marche. Pour eux, c’est synonyme.

Face aux « gilets jaunes » on aura dorénavant les « foulards rouges ». Au premier abord, on pourra s’étonner de la couleur choisie qui ferait aisément songer aux komsomols ; peut-être faut-il plutôt y déceler une référence à Christophe Barbier, chantre multimédias d’une idéologie dominante. Quel meilleur signe de ralliement que sa légendaire écharpe écarlate pour manifester en faveur du pouvoir en place ?

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Le seum

« Notre liberté de nous habiller. Voilà ce que nous voulons. » Ça débute comme une tirade girondine devant la Convention. On imagine le locuteur : redingote, culotte, bas de soie, lavallière, tout le tralala. L’instant est solennel : les libertés fondamentales sont en jeu. Au besoin, on joindra le geste à la parole en coupant quelques têtes qu’on hissera sur des piques afin de montrer au despote que, désormais, le choix des étoffes appartient au peuple souverain.

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Manifestations, piège à cons

L’onde de choc causée par l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis d’Amérique ne semble pas près de faiblir. Le désappointement des clintoniens est d’autant plus fort qu’on leur avait annoncé une victoire haut-la-main d’Hillary, la Mère la Victoire du nouveau désordre mondial. La guerre pour tous, ça devait être maintenant. Mais il faudra patienter d’autant plus que, chez nous, François Hollande a décidé de ne pas se présenter pour un nouveau mandat de destructions massives.

Une fois la victoire de Trump annoncée, on a eu droit aux manœuvres dilatoires habituelles. Il fallait évidemment recompter les voix : les USA ne sont pas la fédération socialiste du Nord de la France en 2008. Ensuite, on se mettait à gloser sur le système américain qui permettait à un candidat de l’emporter tout en ayant obtenu moins de voix que son concurrent. Mais c’est le jeu dans ce pays fédéral. Et la règle y est connue de tous et valable pour tous. Dans un match de tennis, ce n’est pas forcément celui qui marque le plus de points qui l’emporte. Wimbledon ne se gagne pas au contrôle continu et encore moins grâce à la discrimination positive. Si l’on ne possède pas l’esprit de compétition, il est préférable de pratiquer au niveau loisir.

Enfin, l’analyse s’est affinée en tentant de démontrer que Trump n’avait pas autant séduit l’électorat populaire que l’on voulait bien le prétendre. Là, on commence à reconnaître la défaite mais c’était à cause des hackers du Kremlin, du FBI et des poteaux carrés.

Maintenant se déroule le traditionnel « troisième tour social », baroud d’honneur des mauvais perdants qui n’aiment la démocratie que quand elle leur donne la fève. Tous ensemble, ils viennent hurler leur haine du fachisme, du sexisme et du complet-veston et faire cramer quelques poubelles qui l’avaient certainement bien cherché. Autour de cette cour des miracles virevolte une ribambelle de caméras de télévision qui, telle une nuée de vautours affamés guettant un convoi fourbu, viennent se disputer leur pitance de déchets organiques.

La dissidence antitrump n’a pas fini de brasser du vent. Tant qu’elle maîtrise son empreinte carbone, tout va bien.

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.

Solidaires ? Non : grégaires !

Je viens vous parler d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. Le ministre de l’Éducation Nationale d’alors s’appelait Monory, mais il se fit voler la vedette par son délégué chargé de l’enseignement supérieur, Alain Devaquet. Ce dernier profita de son passage éclair au gouvernement pour énerver une bonne partie de la jeunesse – il eût été bien sot de s’en priver. Et c’est une bavure policière, rue Monsieur le Prince, qui mit fin aux jours d’un malchanceux allergique aux coups de matraque, ainsi qu’au projet de loi qui avait déclenché l’ire estudiantine.

Entretemps, les manifestations se multiplièrent, au rythme du désormais célèbre « … si tu savais, ta réforme, où on s’la met… ». Dans mon lycée, un quarteron d’élèves au charisme dévoyé nous répétait scrupuleusement les mots d’ordre que des adultes avaient mis dans les crânes. Une prof d’histoire-géo – physique ingrat et pull-over rouge – tenait lieu de commissaire politique. Ensemble, ils galvanisaient leurs camarades et les exhortaient à lutter contre le Mal, c’est-à-dire le RPR.

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