Étiquette : politiquement-correct

Sous-pape

Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? Rien de nouveau dans ta boîte aux lettres, excepté les prospectus publicitaires pour l’hypermarché et la salle de sport voisins ? Toujours pas de réponse à ta candidature spontanée pour le siège épiscopal de Lyon ? Tu n’avais pourtant pas tardé pour faire savoir que tu possédais les compétences idoines, prenant de vitesse le Pôle Emploi du Saint Siège qui n’avait pas encore publié de petite annonce. Maintenant, on est en pleine période de vacances scolaires ; peut-être te faudra-t-il patienter jusqu’à la rentrée si ta missive atterrit sur le bureau du Pape tandis que celui-ci farniente à Castel Gandolfo. J’espère, d’ailleurs, qu’il sera bien reposé quand il en prendra connaissance, à son retour. S’il se fend d’une bulle te concernant, ton plan de carrière ecclésial pourrait en prendre un sale coup.

As-tu bien pensé à joindre ton CV ? Celui-ci présente un brillant cursus biblique et théologique. D’aucuns en conclueront hâtivement que tes propos tiennent la route. Malheureusement, les diplômes ne préservent ni de l’hérésie ni de l’idéologie et encore moins des poussées de mégalomanie. Regarde le frère Hans qui, depuis un quart de siècle, s’est lancé dans son combat desepéré – mais lucratif – contre l’Église. Oui, contre l’Église : en s’en faisant l’accusateur, avec une bonne foi qui laisse à désirer. Car lorsqu’ils débitent des contre-vérités à tour de bras, les sachants n’ont pas d’excuse. Voici que tu déclares : « C’est une proposition qui décoiffe et questionne profondément l’Église. Mais il faut bien comprendre que je suis quelqu’un d’intérieur à l’Église. J’ai une compétence affirmée. » Une compétence en quoi ? En coiffure ?

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Stéréo type

C’est une vidéo qui est devenue « virale » – comme on dit – sur le Net et particulièrement dans la « fachosphère » – comme on dit aussi. Il s’agit d’un extrait d’Arrêt sur Images, émission sérieuse s’il en est, qui tourne au sketch montypythonesque. Le sujet du jour concerne la Marche des Fiertés et ses guéguerres intestines. Un verbatim des échanges permet d’en apprécier la saveur.

Daniel Schneidermann, le présentateur lance le débat avec une question : « Quatre invités, quatre hommes. Pourquoi a-t-il été si difficile d’inviter des femmes ? » Un ange passe. Les quatre invités se regardent en chiens de faïence ; la gêne est perceptible.

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Liberté conditionnelle

« Que chacun prenne ses responsabilités et tire les conséquences ! » : ce genre de formule surgelée, vous l’entendez répéter chaque jour, aussi bien par un premier secrétaire du Parti Socialiste à court d’arguments que par un footballeur de l’équipe de France à court de neurones. Il faut dire que la langue de bois a des vertus que n’ont pas les autres idiomes internationaux – grec ancien, latin, français, anglais – et dont la première est la facilité avec laquelle on s’y forme. Elle offre un autre intérêt appréciable en livrant des phrases prêtes à l’emploi, ce qui dispense donc du périlleux exercice de composition linguistique que nombre de nos contemporains transforment immanquablement en massacre grammatical. C’est ce qu’appréciera tel sportif de haut niveau, déjà très occupé avec ses interminables séances de coups francs – ou de bimbo siliconée – à tirer.

Mais si la langue de bois s’est autant répandue à travers les médias, c’est peut-être aussi parce qu’elle permet à celui qui l’emploie de ne pas sortir des limites du politiquement-correct : depuis une trentaine d’années, l’espace de liberté de parole s’est singulièrement réduit, permettant à une ribambelle de moucherons-citoyens de restaurer l’esprit de 1793. L’usage de cette langue convenable – que l’on rapproche parfois de la novlangue orwellienne – apporte une sécurité quasi absolue. Puisqu’on arrive désormais à parler sans rien dire, plus aucun risque ! Ni d’être incompris, puisque ces arrangements de mots sont des façades cachant du vide, ni d’être compris, et c’est un peu ça le but. L’important, bien sûr, étant de pouvoir répondre dans le micro sans crainte d’y laisser sa peau, exercice ô combien difficile à notre époque de vertu impitoyable.

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