Soyons clairs : les déboires qu’a essuyés John Galliano il y a peu m’importent guère. Ce personnage mégalomane et décadent suscite sans doute une admiration servile autour de lui, une sorte d’idolâtrie envers ce créateur de costumes dont le génie consiste à déguiser ses clients en clowns à des tarifs indécents. Quant à moi, j’avoue avoir spontanément éprouvé une certaine joie en voyant s’abîmer ce minois précieux – à la moustache rétro et à la chevelure de starlette – au bas de la Roche tarpéienne qui sanctionne les déchéances médiatiques. Je suis persuadé, d’ailleurs, que si le vulgum pecus veut bien accepter l’existence d’une caste supérieure – pour laquelle le loyer à payer ou le ravitaillement en cocaïne ne sont pas des sources d’inquiétude – c’est parce que cette dernière sait lui offrir régulièrement le sacrifice de quelques uns de ses membres.
C’est donc la tête dudit John Galliano que la télé et internet nous ont permis de voir brandie au bout d’une pique. Mais ce n’était que justice puisqu’il avait commis l’irréparable : un dérapage verbal. Oui, c’est très grave. Un bouffon aviné qui, dans un bistro du Marais, déballe moultes horreurs à ses voisins de table met en danger la paix du monde. Forcément. Laisser impunies ses paroles, péniblement articulées par une bouche pâteuse, eût été d’une indulgence coupable. L’hydre fasciste guette, tapie au fond du moindre verre de mojito ou de gros rouge.