Santo subito !

Comme il était en route et approchait de Caracas, une lumière venant du ciel l’enveloppa soudain de sa clarté. Il tomba par terre, et il entendit une voix qui lui disait : « Jean-Luc, Jean-Luc, pourquoi me persécuter ? ». Il répondit : « Qui es-tu, Seigneur ? ».

Voici le récit de sa conversion tel que la Légende Dorée aurait pu le narrer. Mais personne ne sait comment un tel prodige a pu survenir tant notre matamore bolivarien semblait cramponné à son anticléricalisme viscéral. On imaginait le membre premium du GODF bouffer du curé hasta la victoria. Mais la divine Providence en a voulu autrement. Jean-Luc est devenu un agent zélé de la bigotterie ultramontaine à une vitesse qui flirte avec les 300.000km/s.

Ce fut assez brutal, surtout pour ses sbires qui ont l’esprit nettement moins vif que lui. Ils étaient habitués à ses diatribes contre les religions, particulièrement le catholicisme : ça ne coûte pas cher et ça peut rapporter quelques voix à gauche. L’ancien Jean-Luc développait une urticaire sévère dès qu’il était en contact avec tout signe chrétien. Cela ne s’explique même pas intellectuellement : c’est plutôt chimique. Il fulminait maladivement contre l’Église, le Pape et les Saints : c’en était devenu dangereux pour lui-même, l’avait prévenu son gastro-entérologue. Mais allez raisonner le petit Albert

Quoi qu’il en soit, on a vu l’ancien laïcard, celui qui pestait ostensiblement contre le « drapeau de la Vierge Marie » présent dans l’hémicycle du Palais Bourbon, se comporter en calottin prêt à faire de LFI un parti dévôt. Les camarades Éric, Danièle et Raquel ont dû se sentir abandonnés dans leur lutte sans merci contre les forces de la Réaction. Le tribun de la plèbe s’est transformé en chantre de la piété. Qui sait s’il ne se trouvera pas sous l’une des cagoules des pénitents de la Semaine Sainte, marchant pieds nus sur le pavé sévillan en implorant le pardon de ses péchés et ceux de ses impénitents sous-fifres. Mais n’allons pas trop vite en besogne…

Bien entendu, il restera toujours quelques rabat-joie pour insinuer que sa démarche relève moins d’un élan sincère que d’un mesquin calcul clientéliste et que sa metanoia spectaculaire n’est pas vraiment affichée pour les papistes. On ne l’a pas entendu, certes, quand une procession de catholiques s’est fait sévèrement attaquer, pendant les commémorations de la Commune de Paris, par un groupscule antifa – antica en l’occurrence – avec coups et blessures attestés. Il n’en a probablement pas entendu parler. Cela s’est peut-être déroulé alors qu’il effectuait une retraite spirituelle – on se demandera d’ailleurs si les journalistes des grands médias ne l’avaient pas accompagné : ces faits n’ont eu droit, au mieux, qu’à une mention dans la rubrique des chiens écrasés. Il serait cynique de considérer que s’il s’était agi d’autres croyants attaqués par d’autres extrémistes, l’émotion eût été assez différente. Mais nous ne mangeons pas de ce pain-là.

Il semble néanmoins que certains des sbires franco-insoumis profitent de ses extases régulières pour se livrer à de basses attaques ad ecclesiam, par pure idéologie non-alignée ou pour faire du buzz sur les réseaux sociaux-traîtres. Confit en dévotion, il n’y prête pas l’attention qu’un vrai chef aurait sur les agissements de ses troupes. Une fois mis au courant desdits dérapages, le pauvre va certainement redoubler de mortifications – cilice, discipline, voyage en classe éco – pour obtenir la conversion, sinon du coeur, du moins de l’intelligence de ses lieutenants. Si la foi parvient à déplacer des montagnes, elle doit pouvoir obtenir ce genre de miracles…

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.