Après avoir amoché, en 2008, Versailles avec les bibelots kitsch de Jeff Koons – le cru 2009 avec Xavier Veilhan étant à peine « moins pire » – le pétillant Jean-Jacques Aillagon récidive en accueillant Takashi Murakami et son univers manga transgressif. Ce dernier prétend – comme tout artiste contemporain qui a bien appris sa leçon de marketing – « dénoncer ». Car désormais, l’artiste se sent obligé de « dénoncer » : le verbe se mue en intransitif et la démarche esthétique devient politique dans une société risquant à chaque instant de retourner vers ses heures les plus sombres… Mouche du coche surnuméraire, il vient se joindre à la corporation des commissaires politiques plasticiens qui ont compris que, savamment dosée, la provocation pouvait se révéler très rentable financièrement parlant. De fait, la principale difficulté de leur métier consiste à jouer de leurs relations pour se trouver le mécène – collectivité locale ou industriel prodigue – qui voudra bien les entretenir.
Voici donc le château de Versailles meublé de ces objets ronds et multicolores dont la présence semble ne pas incommoder qu’une poignée d’irréductibles royalistes – les visiteurs japonais ou coréens n’ont pas nécessairement le discours formaté du parisien timoré qui ne craint qu’une chose : passer pour un béotien ou un réac. Mais l’art consommé du gérant des lieux comme de ses supplétifs – des consultants télévisuels en histoire de l’art qui parlent comme des vendeurs d’encyclopédies à domicile, à coups d’arguments prédigérés convoquant le pop art, l’impressionnisme et le baroque – vise, plutôt que de convaincre, à dénigrer toute opposition en la présentant comme l’expression des humeurs atrabilaires de dégénérés extrémistes, ce qui n’est pourtant pas toujours le cas.
Toutefois, ce n’est pas tant la vanité de l’entreprise artistique ci-promue que cette méthode du discours qui est détestable : on retrouve là cet esprit à la Fouquier-Tinville, si fréquent dans les controverses avec les gens de Progrès. Leur stratégie réside en la réduction de tout contradicteur au statut de « réactionnaire », voire de « chemise brune » lorsqu’ils s’adonnent à la métaphore. Cette option pauvre et paresseuse du dialogue, qui a eu ses heures de gloire pendant la Terreur et les purges staliniennes, est malheureusement devenue un réflexe chez le snob persuadé qu’il possède le monopole du bon goût.
S’il arrivait que l’inspiration vînt à manquer aux gentils organisateurs d’expositions « iconoclastes », voici quelques propositions pour les prochaines années :
Rétrospective Pierre Mortez
Hommage à Boronali
Collection François-Marie Bannier
Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.