Un journal du dimanche dont je tairai le nom vient de publier son Top 50 des personnalités préférées des français, palmarès dont lesdits français attendent la publication annuelle avec une impatience douloureuse, tant cette information – qui sera aussitôt relayée et commentée par les médias hexagonaux – leur sert de boussole dans la vie de tous les jours. Car le chaland, devenu quelque peu oisif et paresseux depuis qu’il s’est mis à sécher l’assemblée paroissiale, cherche de quoi meubler le jour du Seigneur avec quelque chose de plus nourrissant que le sempiternel bilan des matches de foot de la veille. Il aime qu’on lui parle de ces people qui rendent sa vie plus belle et l’aident à croire en la bonté intrinsèque de l’être humain.
Et chaque année, il voit réapparaître les mêmes noms dans ce martyrologe laïc : ceux de ses compatriotes qui, malgré le taux d’imposition cruel auquel ils sont assujettis, ont su garder intacte leur compassion envers leurs semblables – ou quasi – qui les regardent à la télé. On se rappellera toutefois la présence jadis récurrente, à la tête de ce classement, de l’Abbé Pierre, ancien député à l’accoutrement rustique, qui fut donc non seulement un homme politique – statut normalement proscrit pour atteindre le sommet de ce Top 50 – mais aussi catholique, d’une façon suffisamment théâtrale et anticléricale pour pouvoir néanmoins susciter la sympathie de la ménagère de moins de 50 ans et son époux qui n’ont cure de doctrine papiste.
Sur le podium du millésime 2011 : Yannick Noah, Zinedine Zidane et Mimie Mathy. Métiers, origines, tailles : la diversité est à l’honneur. Et l’engagement aussi : une fois de plus, notre tennisman-chanteur-moraliste national voit ses efforts pour le bien et contre le mal récompensés. Il a toujours un avis – précieux – à donner aux gens qui n’ont ni son ouverture d’esprit ni sa volée de revers. Il parle de tout avec autorité, assurance et parfois une pointe de morgue lorsqu’il s’adresse à tel de ses semblables qui ne possède pas des qualités humaines aussi patentes que les siennes. Aucun domaine ne lui est étranger, excepté peut-être la physique nucléaire ou la théologie dogmatique. Un charisme mis au service de la fraternité et cætera : voilà ce qui est mis à l’honneur dans le classement de cette année, pour notre plus grande joie et également celle de son producteur de disques.
Car parmi les célébrités abonnées aux talk-shows, le français moyen sondé par Ipsos porte son affection sur celles qui véhiculent les mêmes valeurs que les siennes, faites de consensus, de tolérance et de progressisme. En gros, la vision qu’instillent quotidiennement les journaux télévisés qui pourchassent tout ce qui ose prendre quelque distance avec le discours convenu en vigueur dans ce ventre mou de la pensée éthique. Et pour ce faire, les saltimbanques – et leurs cousins sportifs à lunettes – sont passés experts : débiter des idées reçues au kilomètre, sans crainte d’avoir à affronter la réalité. C’est pour cette raison que les rares personnages politiques présents dans ce classement – mis à part ceux qui sont dorénavant hors d’état de nuire – se trouvent en queue de peloton. Parfois amenés à se salir les mains, ces derniers ne bénéficieront jamais de l’aura de ceux qui font profession de divertir, tâche bien plus gratifiante aux yeux du péquin qui prend son antiparlementarisme pour une preuve d’insoumission.
Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.