« We are in a deep shit ! » – traduisez par « Nous sommes dans un embarras considérable » : les Femen viennent d’être lâchées par leur principal mécène, un milliardaire qui a fini par se lasser de leurs simagrées hystériques. Cet aveu des célèbres militantes « sextrémistes » me plonge dans la stupeur. J’avais sans doute été naïf de les croire lorsqu’elles affirmaient financer leur combat contre le patriarcat et la religion grâce à la seule vente de tee-shirts, de bracelets Rainbow Loom et de cakes à la sortie de la messe. Pourtant, leurs émoluments ne sont pas excessifs : leurs apparatchiks sont payées un SMIC-jeune pour montrer leurs seins, les supplétives ne s’exhibant que pour la gloire.
N’empêche que le pouvoir judiciaire commence à leur demander des comptes. L’État de droit – avec lequel elles ne sont pas familiarisées – vient se rappeler à leur bon souvenir. Car juridiquement parlant, elles en étaient restées à « Il est interdit d’interdire », estimant probablement que les pavés de Mai 68 avaient rendu Codes Civil et Pénal caduques. Cette indigence cérébrale qui vient s’ajouter à un sentiment de toute puissance et à une idéologie de far-west les rend étanches à toute forme de rationalité. Les tables rondes et autres disputatio philosophiques n’ont jamais été leur dada : le body-painting est plus approprié pour étaler un vocabulaire qui dépasse à peine 100 mots, même avec les gros. Du coup, elles ont systématiquement opté pour des modes d’action spectaculaires, souvent violents, toujours vulgaires.
Problème : quand on table sur le sensationnel plus que sur la réflexion, on s’enferme vite dans une logique de surenchère. Maintenant que 99% de la population dispose de l’ADSL à tous les étages, rares sont ceux qui ont pu échapper au spectacle des torses peinturlurés des soldates de la cause hippie-facho. Mais au fil du temps, chaque nouvelle opération nous replonge dans ce sentiment de déjà-vu. On les voit répéter une chorégraphie martiale, poussive et même pas drôle. Comprennent-elles qu’elles sont prisonnières d’une tactique qui les condamne soit à être inventives – ce qui n’est pas facile pour elles – soit à tomber dans l’oubli ? Visiblement pas : elles continuent d’agiter leurs chairs dans tous les sens à chacune de leurs revendications, estimant naïvement que ce gimmick déclenchera une nouvelle révolution copernicienne et oubliant que, non congelée, la viande faisande vite.
Elles – ou plutôt leurs marionnettistes – malmènent sans pitié les transcendantaux : ils pensent servir le Bien au moyen du pas-Beau. Jadis, les Suffragettes mettaient un point d’honneur à soigner leur mise ; on les voyait souvent manifester dans leurs robes blanches. Les Femen, elles, ont opté pour le trash, le gore et le porno. Si les premières sont entrées dans l’Histoire, les secondes ne sortiront jamais du buzz. Et il faut s’attendre à voir nos intermittentes du soutif disparaître, petit à petit, dans les oubliettes médiatiques comme des éphémères starlettes de télé-débilité.
Pour une fois, elles ont raison : elles sont dans la merde…
Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.