Catégorie : Fides

Les idiotes inutiles

« Mais si l’émotion est grande, c’est que certains faits divers n’en sont pas, même lorsqu’ils sont l’œuvre d’un fou. En tout cas, elle permet d’aborder un climat qui laisse craindre ce genre de passages à l’acte. » Extraits de leur contexte, ces mots de Caroline Fourest pourraient sembler pertinents. Malheureusement, la lecture de son article nous montre notre opinioniste patentée se prendre une nouvelle fois les pieds dans le tapis. Le ton sentencieux dont elle use chroniquement parvient néanmoins à la faire passer pour compétente aux yeux de quelques gogos qui prennent le politiquement correct pour de la libre-pensée. Mais les diagnostics qu’elle pose d’un ton sans appel sont le plus souvent à côté de la plaque, sauf parfois où elle dit vrai comme le fait deux fois par jour une montre arrêtée.

Tout récemment, une église de mon quartier a été soigneusement vandalisée. Le coupable court toujours et je me garderai bien d’en faire un portrait robot idéologique comme cette dernière n’hésita pas à le faire dans d’autres circonstances. Si ça se trouve, il n’est même pas abonné à Charlie Hebdo… Mais l’ambiance est là. Les chiffres aussi, d’ailleurs : 80 % des « atteintes aux édifices religieux et aux sépultures » concernent des sites chrétiens. La couverture médiatique qui en est faite demeure toutefois confinée à la rubrique des chiens écrasés. Quant à l’indignation, elle n’a pas atteint ni l’Élysée, ni Matignon, ni même la rue de Solférino, lieux pourtant prompts à dégouliner de vertu outragée.

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Gros rouge (qui tâche)

8 avril 2013, 7 heures et des poussières : Jean-Louis Mélenchon, chef de file du Front de Gauche, vient d’apprendre par la radio la mort de Margaret Thatcher. Malgré une légère gueule de bois causée par les tequilas boum boum de la veille, il se sent soudain envahi par une sensation de bien-être assez inhabituelle chez lui. Lors, il se précipite sur son ordinateur, encore vêtu de son pyjama made in DPRK, dans un réflexe tout reptilien : il va s’exprimer sur Twitter afin de répandre pour ses 137.807 abonnés une parole forte, solennelle, digne d’un ex-candidat à la présidence de la République. Le lettré qu’il est cisèle un message – presque un haiku – qui sera posté afin de satisfaire ses followers avides de vérité. À 7h 33, le verbe se fait tweet : « Margaret Tchatcher va découvrir en enfer ce qu’elle a fait aux mineurs. »

Beaucoup pensaient que Jean-Claude Mélenchon ne croyait ni à Dieu ni à Diable : erreur ! Il a, à plusieurs reprises, professé sa foi envers le second. On constate que sa religion à lui comporte, elle aussi, une dimension sotériologique, avec toutefois un accent franchement mis sur la damnation. Pour ce qui concerne le salut, son espérance semble se limiter à l’avènement du paradis socialiste à la place de cette république qui tolère encore les agissements des bigots réactionnaires.

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Athéocratie

A Charlie Hebdo, le numéro spécial caricatures islamophobes devient un marronnier. Est-ce un choix guidé par le marketing – on espère surfer sur la vague créée par un film américain de série Z qui fait le buzz dans tout le Moyen-Orient – ou simplement causé par le manque d’imagination de dessinateurs qui fonctionnent sur des schémas mentaux assez primaires ? Les nombreuses accusations de vénalité ont piqué au vif le directeur de la publication qui a affirmé que « Si les dessinateurs et auteurs de Charlie avaient couru après l’argent, ils n’auraient pas fait Charlie Hebdo [et blablabla] ». En gros, c’est pas pour faire du fric. C’est gratuit. Enfin, presque : 2,50€ multipliés par 200 000. Déjà, lorsque le site internet fut piraté, le patron venait rassurer le chaland : « Une chance tout de même : la boutique en ligne n’est pas touchée. » A quelque chose malheur est bon…

C’est sûr que, lorsqu’ils publient leurs habituels graffitis sur le Pape, le retour sur investissement est bien moindre. Il faut avouer que depuis que la Révolution a guillotiné une partie du clergé français et la IIIème République expulsé une autre partie hors de l’hexagone, les railleries contre l’Église ont peu à peu perdu de leur aspect sulfureux. On a beau verser dans la surenchère, il y a désormais toujours ce persistant goût de rassis. Les représentations ad nauseam de Benoit XVI en criminel / pédophile / nazi n’amusent plus qu’un lectorat conquis d’avance essentiellement composé de libres-penseurs congelés dans la doxa irréligieuse de la Belle Époque et d’adolescents en phase acnéique de révolte.

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Musique sacrée

« Nous sommes tous des Pussy Riot ! » : le slogan éculé est proclamé avec la gravité qui sied à pareille cause. Devant la caméra complice de quelque journaliste sans recul, ce Don Quichotte à la petite semaine joue son rôle de manifestant avec un art un peu trop dramatique. Le ridicule ne le tuera pas, heureusement. Heureusement, car, après avoir montré son indignation à tous les passants, il a sans doute prévu d’aller faire la fête avec ses copains intermittents de l’antifascisme. Les Pussy Riot, il n’a pas que ça non plus dans sa vie…

Si vous avez raté le début : Pussy Riot est un groupe punk russe dont trois membres – des jeunes femmes – ont été condamnées au « goulag pour une chanson » dixit Libé. Certains médias osent même parler d’une « prière punk » clamée dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou. On connaissait les spiritualités franciscaine, carmélitaine ou cartusienne. Désormais, on pourra également compter sur la mystique punk pour élever son âme vers Dieu. La lex orandi keuponne vient apporter un vrai renouveau dans la manière de s’adresser au Bon Dieu et à ses saints. Le contenu des oraisons – accompagnées de riffs de guitare électrique – prononcées lors du happening incriminé fait apparaître un savant mélange d’invocations chrétiennes et de vitupérations libertaires, le tout baignant dans une coprolalie assez peu usitée en temps normal dans une église.

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L’opium du peuple

Chaque année, le service public audiovisuel offre sa saga de l’été à quelques millions de citoyens en demande de divertissements porteurs de savoir avec, si possible, un soupçon de croustillant en sus. Cette fois-ci, l’opus s’appelle Inquisitio et traite, comme son nom le laisse supposer, de la terrible Inquisition, occupation favorite des grands pontes de l’Église catholique pendant le Moyen Âge dont cette dernière n’est jamais complètement sortie, même après Vatican II.

Le Moyen Âge, c’est, grosso modo, la période qui s’étale entre Vercingétorix et la Révolution Française. Pendant ces quelques siècles, l’Église a tenu d’une main de fer toute une population dans les ténèbres de l’ignorance et la crainte de l’enfer. En ce temps où l’on craignait l’hérésie comme la peste, on vantait la foi que professait le charbonnier : faite de crédulité et de fidéisme – il conviendra de se demander, à propos, si cela n’est pas inscrit dans les gènes de la lex credendi romaine – elle s’accommodait assez mal des hardiesses doctrinales sur lesquelles des novateurs tels Jacques Gaillot ou Alain de La Morandais sauront bâtir leur notoriété. Le climat n’encourageait guère à la recherche scientifique et contraignait les Galilée, Nostradamus et autres alchimistes à s’user les yeux à parcourir leurs grimoires dans la pénombre d’une cave du Quartier Latin.

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Place du chapelet

« Puisque tu es tiède, et ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. » Et hop, on nous ressort le fameux passage de la Lettre à Laodicée (Ap III, 16) comme l’argument massue qui doit nous discréditer aux yeux, sinon du monde, du moins de notre Créateur qui honnirait donc toute forme de mesure dans l’action comme dans la pensée parmi ses fidèles. C’est ainsi que ceux qui soutiennent les actions « coup de poing » contre les spectacles jugés blasphématoires – à tort ou à raison, peu importe ici – nous font passer en comparution immédiate au Jugement Dernier pour un verdict sans appel et sans clémence. Voici quelques semaines, une poignée de jeunes gens animés du zèle de la foi sont allés interrompre une pièce de théâtre estimée « scandaleuse » par avance – on ne sait en vertu de quelle prescience – en montant sur la scène et en alternant, devant un public médusé, exercices de dévotion mariale et gestes de boxe anglaise. Leur intervention a fait évidemment couler beaucoup d’encre virtuelle. Parmi les critiques suscitées, certaines émanaient d’autres catholiques qui se sont fait taxer aussitôt d’apostats ou équivalents par certains de leurs coreligionnaires.

La vraie question ne consiste pas à savoir si Sur le concept du visage du Christ ou Golgotha picnic sont des œuvres sacrilèges, décadentes, profondes ou clownesques. Chacun aura son avis là-dessus, y compris ceux qui ne font que répéter les leitmotiv dont les abreuvent ceux qui pensent pour eux.  Les foules ont un goût prononcé pour le « ouïe dire » qui offre un confort intellectuel incontestable, faute de garantir son intégrité à la vérité. En revanche, nous pouvons nous demander si l’honneur du Christ est davantage menacé par les extravagances d’un artiste d’avant-garde ou par le lobbying agressif de certains chrétiens courroucés.

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Fruits de la Passion

Est arrivé ce qui devait arriver : quelques énergumènes ayant la tête près du bonnet ont apporté leurs outils de bricolage pour faire un sort à cette œuvre de pure provocation – qui ne s’avoue pas comme telle, évidemment – exposée dans une galerie d’art avignonnaise. Une émotion obligatoire a, bien sûr, suivi cet acte de vandalisme chez les défenseurs professionnels de la liberté d’expression. Notre ministre de la Culture s’est indigné comme il se doit, lui qui s’était montré nettement plus pudique lorsqu’il s’agissait de défendre l’œuvre de Céline, il y a peu. Passons. Quant au directeur de la collection Lambert, il a usé d’un champ lexical bien pauvre pour qualifier le forfait commis : retour au Moyen Âge, à la barbarie, à l’Inquisition… Les clichés habituels, quoi.

Mais au fond, ces jeunes « ultracatholiques », loin de porter atteinte au succès de ladite exposition, vont lui assurer au contraire une publicité qu’elle n’aurait pas eue sans leurs coups de marteau et de tournevis. Preuve de l’instrumentalisation de leurs méfaits, le cadre endommagé n’a pas été réparé. S’agissant d’une photo sous verre, il aurait pourtant suffi d’un aller-retour chez Castorama et d’un retirage de la photo pour tout remettre en son état originel, le tout pour quelques dizaines d’euros. Là, en bons commerçants, les responsables du lieu ont choisi de la laisser abîmée, afin de montrer les outrages infligés par les suppôts de l’obscurantisme. Autodafés, chasse aux sorcières et gégène sont à nos portes, cherchent-ils à nous faire comprendre. Eux luttent pour la liberté d’expression. Enfin, surtout la leur. Une liberté no-limit, qui prétend vouloir susciter des réactions. Et lorsque les réactions se produisent réellement, on se mettra à pleurnicher comme Caliméro. En gros, ils aimeraient pouvoir cracher avec délectation sur le chaland en bénéficiant d’une impunité totale et d’une protection garantie.

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Parfum de scandale

Aujourd’hui, c’est au tour d’une exposition artistique présentée à Avignon de faire parler d’elle à cause de – ou grâce à ? – ce qui est devenu une sorte de figure imposée pour nombre de « plasticiens » : le blasphème. Je ne me lancerai pas dans un discours sur un respect des croyances à géométrie variable – il semble néanmoins que les sans-foi reçoivent davantage de considération concernant leurs opinions métaphysiquement nihilistes. Non. Je me contenterai d’évoquer mon sentiment de lassitude profonde devant ces entreprises d’escroquerie en bande organisée que représentent un bon nombre d’expositions d’art contemporain. Le talent ne réside plus dans cette capacité de l’homme à produire quelque chose de beau mais dans l’utilisation du scandale facile et grossier, à la fois comme moyen de publicité et comme légitimation d’une créativité artistique. Car la transgression est devenue un moyen aisé pour faire du buzz, donc du fric. Ce qui, il y a un siècle, choquait encore le bourgeois fait dorénavant se pâmer de snobisme le troupeau des pique-assiette de la culture grouillant chez des parvenus qui s’achètent à grands frais une place dans le monde de l’esprit.

Ils s’appellent Andres Serrano, Maurizio Cattelan, Hermann Nitsch ou encore Chris Ofili, ces margoulins qui ont appris à vendre du vent – même malodorant – au prix de l’or. Une telle entourloupe relève effectivement de l’art. Du grand art, même. Reconnaissons-leur tout de même cette aptitude à savoir provoquer sans prendre des risques démesurés. Ce sont des artistes, pas des kamikazes : lorsqu’on a une famille à nourrir, on calcule avant d’énerver les gens. Et une fois qu’on a mis en balance bénéfices escomptés et périls encourus, on constate que la foi chrétienne offre le meilleur taux. En guise de métaphore, il est moins hardi de piquer le sac à main d’une vieille dame que de faire un braquage à la Banque de France. Parce que, avant de se livrer à leurs forfaits avant-gardistes, ils prennent évidemment le temps de réfléchir : ils ne se sentent aucune vocation au martyre. Ils ont, bien entendu, intégré la variance du facteur risque en fonction de la religion bravée. Ceux qui ont essuyé les plâtres, avant eux, peuvent témoigner du fait qu’une fatwa, ça calme son homme. D’autres ont vu leur cote de popularité baisser au fil de leurs comparutions répétées devant la 17ème chambre correctionnelle. Courage n’est pas témérité, après tout.

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« Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu. »

Bon, pour une fois je ne vais pas traiter d’une question largement éventée : je vais même me joindre au buzz que vont probablement provoquer les quelques citations savamment choisies par les flash-info du futur livre d’entretiens avec le Pape Benoît XVI. BFM et i>télé les font déjà tourner en boucle. Bien entendu, ce qui a le plus intéressé ces journalistes pressés ne touche ni à la théologie ni à la spiritualité : ça ne fait pas vendre – et il faut un minimum de catéchisme pour pouvoir capter. Et puis comment pourraient-ils appréhender le discours de l’Église autrement que par ce regard superficiel et paresseux qui persiste à user de grilles de lecture complètement faussées ? Non, ce qui capte le chaland zappeur concerne avant tout le domaine éthique, spécialement quand cela tourne autour de la braguette. Désormais, la sexualité et la IIème guerre mondiale sont devenues les seuls sujets qui rappellent l’Église au bon souvenir des médias.

Le concours des consultants abonnés ne va certainement pas aider à y voir clair. Odon Vallet – le couteau suisse des débats sur la religion – a bien voulu servir, au débotté, quelques considérations empreintes de l’air du temps devant la caméra. Cette casuistique sur l’utilisation du préservatif lui a fourni de sérieux motifs d’espérer voir l’Église renier la doctrine qu’elle tient depuis vingt siècles. Quant à notre Caroline Fourest nationale, nul doute qu’elle s’exprimera sous la forme d’un « oui mais… » assorti des habituels poncifs visant ce Pape qui s’obstine à rester catholique. Si elle ne sait pas encore ce qu’elle va dire, moi je le sais. Enfin, Mgr Gaillot nous répétera ce sempiternel laïus qui le rend si populaire auprès des chrétiens qui ne croient pas en Dieu… Du moins si quelque journaliste pense à venir l’interviewer, bien sûr.

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