Catégorie : Fides

Passe-passe herméneutique

À l’instar du test de Rorschach, les déclarations publiques du Pape donnent lieu à de surprenantes interprétations dans lesquelles l’objectivité tient moins de place que les fantasmes, ressentiments ou obsessions. Le lecteur idéologue y trouve ce qu’il y cherchait, après une scrutatio opérée en stricte diagonale, en se contentant de grappiller les quelques mots qui blessent. On obtient alors des perles d’exégèse, issues d’un art plus proche de la gymnastique acrobatique que de la science littéraire. Démonstration ci-dessous.

Extrait n°1
« Ce vœu, l’humanité le doit aux centaines de milliers de personnes, qui, sans aucune faute de leur part, et parfois pour le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive. »

Extrait n°2
« C’est aussi une invitation à savoir accueillir les légitimes diversités humaines, à la suite de Jésus venu rassembler les hommes de toute nation et de toute langue. »

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Hommage (ou presque)

Figure emblématique du courant traditionaliste, l’abbé de Nantes est mort il y a quelques mois, en laissant derrière lui une communauté – parfois perçue comme une secte – de fidèles dont beaucoup manifestaient – et continuent de le faire – une « nantolâtrie » qui semble avoir triomphé de leur libre-arbitre. Avant même la fin du dernier Concile, il avait commencé à dénoncer l’apostasie – selon lui – réalisée par les Pères conciliaires. Il y dénonçait une nouvelle religion dans laquelle le culte de l’homme remplaçait celui consacré à Dieu ainsi qu’une conversion à un relativisme influencé par l’air du temps. Abordés pendant Vatican II, l’œcuménisme et la liberté religieuse furent sans doute les deux questions qui cristallisèrent – outre la réforme liturgique qui y fut entreprise – les foudres du prêtre qui se réclama toujours de la pensée de Maurras.

Dois-je rappeler mon imperméabilité à cette position traditionaliste selon laquelle Vatican II ne serait qu’un tissu d’hérésies ? Cette tentative de réfutation systématique ne m’a jamais convaincu, ni par la méthode choisie – une lecture durcie et hors contexte des textes qui présume leur hétérodoxie – ni par l’argumentaire – un discours verbeux dans lequel les détails l’emportent face à une vision globale du propos. Pour être franc, j’attendais quelque chose de plus satisfaisant de la part de gens présentés comme des théologiens.

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Hans Küng : une foi pas très catholique

Hans Küng est fatigué. Et fatigant, du coup. Les vitupérations qu’il répète en boucle, depuis des lustres, contre Rome ressemblent de plus en plus au crincrin produit par un vieux disque rayé. Pensant – comme beaucoup – que, répétées suffisamment, des inepties en deviennent des vérités, il vient d’écrire une Lettre ouverte aux évêques catholiques du monde, que les médias amis du Progrès ont trouvée fort intéressante et absolument conforme à leur credo humaniste et démocratique. L’ennui, c’est que venant d’un « théologien », ladite lettre manque cruellement d’arguments probants. Puisqu’il fut « expert » – nous rappelle-t-on – au Concile Vatican II, Küng aurait pu nous servir mieux que ce tissu de poncifs que l’on croirait alignés par notre Caroline Fourest nationale, dont l’arrogante cuistrerie en matière religieuse réussit à passer pour une marque d’autorité.

Car rien ne nous est épargné dans ce florilège de contre-vérités, d’à-peu-près et de raccourcis audacieux formulés à l’encontre de son ancien collègue de Tübingen, Josef Ratzinger : on y retrouve tout l’arsenal rhétorique du procès antiromain mené par les infos. Les chefs d’accusation sont graves : on reproche au Pape d’être catholique et de ne pas faire, du passé, table rase. Bien entendu, lorsque les griefs sont portés par un ancien professeur de théologie, le lecteur de bonne foi se prend à croire à la pertinence du propos. Hélas, l’étudiant qui formulerait une telle somme d’erreurs au baccalauréat canonique serait recalé ipso facto. En établir un relevé exhaustif serait aussi fastidieux pour moi – qui suis paresseux – que pour vous – qui l’êtes également. Nous nous contenterons donc d’un zapping – en français, un best of – des fioretti bien-pensants de celui qui réclame un Vatican III à la manière d’un élève turbulent qui demanderait à sauter une classe.

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Infailliblement pontifiante

Vous l’avez sans doute aperçue dans un de ces débats byzantins dont la télé publique raffole. Le visage orné d’un petit sourire en coin, elle vient faire méthodiquement, et sur leur terrain, la leçon à des docteurs en sciences humaines ou divines. C’est Gros-Jean qui remontre à son curé, encore que Caroline Fourest ne fréquente probablement pas son curé, et de toute façon, ne traite pas avec les subalternes : elle préfère tancer le Pape qui, à ses yeux, vérifie le principe de Peter relatif au niveau d’incompétence promis, un jour, à tous ceux qui progressent au sein d’une hiérarchie. Ne doutant de rien, et surtout pas d’elle-même, elle se verrait bien lui faire le catéchisme, en lui tapant sur les doigts pour le punir de « l’évolution rétrograde du Vatican » dont il se serait rendu coupable. Car, autant l’avouer sans ambages : après avoir sacrifié ses plus belles années dans les obscures et moites Archives Secrètes du Vatican à déchiffrer des grimoires poussiéreux, elle peut enfin proclamer « le caractère conservateur de Benoît XVI ». Pensez bien au poids d’une telle accusation quand elle émane ex cathedra d’une « intellectuelle engagée » qui ne se lasse pas de nous rappeler à quel point ses recherches sont empreintes d’une rigueur inquisitoriale à la limite du scrupule et dénuées de tout a priori !

C’est pourtant la même qui évoque « l’envie de ferrailler contre tous les fanatiques (et leurs amis) » qui la meut. Mais d’abord, qu’est-ce qu’un « fanatique » ? Sur quels critères objectifs peut-on déterminer l’appartenance à cette catégorie de « fanatique » ? Quels sont les signes ostensibles qui permettent de distinguer le croyant fréquentable de l’ignoble « fanatique » qui n’est – soyons réalistes – qu’un « théocrate » en puissance ? Et quelles tentations doit-on vaincre afin de ne pas faillir en devenant « fanatique » ? On aura compris que de telles questions sont trop complexes pour être traitées par n’importe qui (vous, par exemple) : elles appellent le jugement, au cas par cas, de la spécialiste qui a « lu, étudié, comparé », et qui « a écrit de nombreux essais sur l’extrême droite, l’intégrisme (juif, chrétien et musulman), mais aussi contre les préjugés ». Grâce à un flair sans égal, elle débusque le « fanatique » avant de le démasquer, puis le démystifier, et enfin le ridiculiser en public, voire même (note : la locution « voire même » est parfaitement correcte et non une forme redondante) lui faire sauter ses subventions, si affinités. Search and destroy.

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« Débaptisation » : comment sortir lorsqu’on est déjà dehors ?

Albert Einstein aurait dit : « Il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine… mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue. » J’avoue que j’aimerais passer à autre chose qu’à ces controverses fumeuses lancées par des chansonniers en mal d’inspiration ou des théologiens en mal d’orthodoxie. A chaque reprise, j’imagine qu’on a touché le fond. Optimisme indécrottable… Désormais, il est question de « débaptisation » : encore un joli barbarisme. Barbarisme lexical et barbarisme théologique. Ça fait beaucoup en un seul mot, non ?

Sachez d’abord, chers amis candidats à la « débaptisation », que votre mot horrible rend dingue mon correcteur automatique d’orthographe, et surtout, que cette démarche n’effacera rien, ni juridiquement, ni sacramentellement. Vous resterez des « malgré nous » comme nous restons des « malgré vous ». Rebelles anti-Benoît, apprenez que le seul effet de votre action citoyenne et vigilante sera une note en marge dans le registre des baptêmes de l’église dans laquelle vous n’êtes jamais entrés autrement qu’en grenouillère. J’espère que ça vous fera plaisir, parce qu’on ne pourra pas faire grand chose de plus. On ne tippexe pas un sacrement donné, c’est comme ça.

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Tu ne tueras pas

Il y a quelques semaines, les informations nous ont livré une énième histoire de rapt d’enfant qui se révéla être, par la suite, une maladroite tentative de diversion tentant de dissimuler la mort de cette enfant. Morte de mauvais traitements. Un fait divers de plus, avant de passer au sport.

Cette petite fille eut le malheur de s’être développée avec un patrimoine génétique différent de celui de ses frères et sœurs. Peut-être qu’elle remuait trop à la maison, mangeait avec gloutonnerie ou fatiguait par l’attention soutenue que son comportement demandait à son entourage. Quoi qu’il en soit, elle ne dérangera plus personne. Son bref passage sur terre aura rapidement pris la forme d’un calvaire qu’en peu de temps nous aurons chassé de nos mémoires. Combien d’entre nous se souviennent d’elle, d’ailleurs ?

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Les fumées de Satan enfin dissipées ?

Aujourd’hui, j’entends exulter ceux qui voient désormais le triomphe de leur combat.
J’entends exulter ceux qui considèrent que la Tradition s’est arrêtée en 1962.
J’entends exulter ceux qui osent évoquer leur fidélité sans faille à une Église qu’ils n’ont eu de cesse d’insulter depuis vingt ans.
J’entends exulter ceux qui parlent d’unité alors qu’ils n’ont pas hésité à s’engager dans le schisme.
J’entends exulter ceux qui pensent que les 50 signes de Croix de « leur » messe sont d’institution divine.
J’entends exulter ceux qui travestissent en Église triomphante leurs utopies théocratiques.
J’entends exulter ceux qui se placent en victimes d’hier en espérant devenir bourreaux demain.
J’entends exulter ceux qui dénient aux autres le respect qu’ils ont toujours réclamé pour eux-mêmes.
J’entends exulter ceux qui, ayant pour tout bagage théologique les séquelles d’un caté de bonnes-soeurs intégristes et/ou la lecture en diagonale de la grossière compilation des « 200 hérésies de Vatican II », prétendent juger de l’orthodoxie du Magistère.
J’entends exulter ceux qui nous regardent comme des catholiques honteux ou des protestants déguisés.
J’entends exulter ceux qui n’auront jamais versé dans l’humilité et la douceur.
J’entends exulter ceux qui vénèrent un évêque anachronique qui s’est permis, en désobéissant, de reprendre le « non possumus » des martyrs chrétiens qui allaient verser leur sang.

J’imagine bien que leur combat n’est pas terminé. Et qu’ils ne lâcheront rien de ces certitudes qu’il appellent la « vraie foi ».

Aujourd’hui, je pense à ceux qui ont quitté la FSSPX en 1988. Eux savent ce qu’est la fidélité et ils en connaissent le prix.

A D.S. et A.J. avec toute mon estime.