Démophobie

Des barricades dressées, des voitures incendiées, des pavés qui volent : c’est comme ça qu’on aime Paris. Mais Paris en mai 68. Cinquante ans plus tard, les mêmes qui jettent un œil humide de nostalgie sur les émeutes du Quartier Latin trouvent nettement moins sympathiques les manifestations de « gilets jaunes » qui se multiplient depuis plusieurs semaines. Car depuis qu’ils sont devenus des notables, les anciens leaders soixante-huitards ont perdu le goût de l’agitation politique. Pas de cette agitation subventionnée dans quelques théâtres élitistes mais de celle, moins domestiquée, provoquée par cette plèbe qui ne fréquente pas plus Jeff Koons que La Princesse de Clèves.

Ce mouvement leur paraît d’autant moins estimable qu’il ne se berce pas d’altruistes utopies comme celles de leur jeunesse qui les poussaient à s’opposer à la guerre du Vietnam et à réclamer la mixité dans les dortoirs des cités universitaires : les gilets jaunes se battent seulement pour pouvoir payer de quoi se nourrir, se loger et se déplacer, en gros survivre jusqu’au 30 du mois. Ces considérations triviales n’émouvront jamais nos intellectuels droit-de-l’hommistes qui ne s’intéressent au peuple que tant qu’il n’est pas autochtone et surtout pas trop réel.

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Cocophonie

« Besancenot clashe Macron. » Faut-il craindre une bagarre à venir dans une parfumerie duty free entre les deux politiciens ?

Parce que l’ancien lider du NPA a décidé de se lancer dans la musique. Enfin, dans le rap. On peut même le voir dans un clip vidéo : s’il ne pousse pas la chansonnette – il aura toujours manqué de voix – il y figure en dodelinant mécaniquement de la tête, à la manière de ces chiens en plastique destinés à orner les plages arrière des voitures. On s’épargnera l’exégèse des punchlines : les clichés idéologiques combinés aux rimes pauvres devraient préserver les futurs candidats au baccalauréat d’un tel texte à analyser. Quoique.

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Stéréo type

C’est une vidéo qui est devenue « virale » – comme on dit – sur le Net et particulièrement dans la « fachosphère » – comme on dit aussi. Il s’agit d’un extrait d’Arrêt sur Images, émission sérieuse s’il en est, qui tourne au sketch montypythonesque. Le sujet du jour concerne la Marche des Fiertés et ses guéguerres intestines. Un verbatim des échanges permet d’en apprécier la saveur.

Daniel Schneidermann, le présentateur lance le débat avec une question : « Quatre invités, quatre hommes. Pourquoi a-t-il été si difficile d’inviter des femmes ? » Un ange passe. Les quatre invités se regardent en chiens de faïence ; la gêne est perceptible.

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Bras d’honneur

Quand Anne Hidalgo reçoit des maçons à l’Hôtel de Ville de Paris, ce n’est pas nécessairement pour refaire l’enduit des murs ou colmater quelque fissure dans son palais presque royal. Parfois, c’est uniquement pour son bon plaisir, à condition que les maçons en question portent sautoir et gants – le bleu de travail et le bob, elle trouve ça moins sexy.

Son quartier général est une sorte de bunker idéologique bien à l’abri de la trivialité vécue par les citoyens. Parmi tous les fléaux qui s’abattent sur la populace, le dernier en date est la prolifération des rats, bestioles nihilistes qui n’ont même pas la décence d’épargner les quartiers pittoresques de la capitale. D’aucuns y discerneront un châtiment divin pour punir les électeurs d’Anne Hidalgo, d’autres n’y verront que la conséquence de la saleté ambiante. Pendant ce temps-là, à la mairie, on célèbre Che Guevara et les Femen, le guérillero sanguinaire et les baudruches hystériques, on organise des visites de musée à poil et du bal musette dans les cimetières.

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L’œil de Caïn

Les derniers instants de sa vie auront été l’objet d’âpres batailles juridiques dont il ne pouvait avoir conscience. Des adultes de haut rang se disputaient pour savoir s’il avait le droit d’espérer des soins ou s’il finissait par coûter un peu trop cher à l’assistance publique. Bien entendu cela n’était pas formulé dans des termes aussi crus : les amis de l’euthanasie ont appris à utiliser les subtilités de la com’ en évitant les mots qui blessent. Bien que sa maladie ne fût pas clairement identifiée, on nous affirmait qu’il n’existait aucun espoir pour qu’il puisse aspirer à une vie normale, cool et surtout financièrement correcte. En gros, le débrancher, c’était lui rendre service. S’il avait pu s’exprimer, il aurait même dit « merci ».

Le petit Alfie est mort. Il a quitté ce monde étrange dans lequel ceux qui se prétendent « humanistes » sont si prompts à donner la mort aux plus faibles. On ne peut pas vraiment compter sur ces derniers pour cotiser ni pour booster la croissance économique. En plus, ils ne votent pas.

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Les copains d’abord

Elle n’a que faire des oukases du Parti, la camarade Danièle : elle n’abandonnera son logement low-cost qu’à la force des baïonnettes. Car il ne s’agit pas d’une HLM comme celles évoquées par Renaud au siècle dernier – blousons noirs, baston et rock and roll – mais d’un appartement plutôt confortable dans un quartier parisien en pleine gentrification. Techniquement, ce n’est pas un logement à loyer modéré mais un appartement à loyer libre qui, théoriquement, n’est pas réservé aux revenus les plus modestes. Ce qui tombe bien puisque les quasi 50KF que son mandat électif lui procure – et sans compter le salaire de sa moitié – devraient la diriger vers le marché privé de même que n’importe quel nanti. Sauf qu’ici, son bailleur n’est autre que la Ville de Paris et que cette dernière offre à ses clients des biens à des tarifs d’apparatchik.

En même temps même avec le discount – grâce au code promo CONSEILDEPARIS –, son loyer demeure prohibitif pour le prolétaire dont elle prétend défendre les intérêts. Verser un SMIC par mois, ça éloigne assurément la France d’en bas qui cherche un toit. Du coup, Danièle peut s’endormir, la conscience tranquille, en attendant le grand soir : elle ne confisque rien au col bleu mais plutôt à quelque tout petit bourgeois vénal. Elle ne lâchera rien et surtout pas ses avantages de fidèle cliente.

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Carré d’as

Les pontes de la France Insoumise semblent avoir le culte qui les démange. À les écouter, le danger qui menace le pays, c’est ce petit reste de catholicisme que la Terreur révolutionnaire et la Troisième république ont laissé malgré elles. Dans leur conception totalitaire de la laïcité, la visibilité même de signes ostensibles – selon la célèbre expression redondante – de religiosité est source de scandale et probablement, chez certains d’entre eux, d’érythème mal placé.

Depuis leur arrivée à l’Assemblée Nationale, les élus mélencho-bolivariens n’ont eu de cesse de se faire remarquer, et rarement pour leur tenue. Dans leur esprit, le tribun de la plèbe doit être imbuvable afin de montrer à ses électeurs que la lutte des classes, ça commence déjà par piétiner ce concept petit-bourgeois qu’est le savoir-vivre. Le député insoumis – pensent-ils – justifie vraiment son salaire lorsqu’il adopte le comportement ad hoc de l’activiste antisystème. En l’occurrence, et compte tenu du poids modeste de leur représentation parlementaire, il s’agit essentiellement de faire du vacarme sur les sièges du Palais Bourbon et du buzz sur les réseaux sociaux.

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Le seum

« Notre liberté de nous habiller. Voilà ce que nous voulons. » Ça débute comme une tirade girondine devant la Convention. On imagine le locuteur : redingote, culotte, bas de soie, lavallière, tout le tralala. L’instant est solennel : les libertés fondamentales sont en jeu. Au besoin, on joindra le geste à la parole en coupant quelques têtes qu’on hissera sur des piques afin de montrer au despote que, désormais, le choix des étoffes appartient au peuple souverain.

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Antioxydants

Au milieu de cette immense pelouse artificielle, vingt cinq types au garde-à-vous devant un ballon. C’est du sérieux : on parle de foot. Ce samedi soir se joue la finale de la Coupe de France de football, solennité religieuse s’il en est. Le Président de la République en personne est dans les tribunes ; son absence relèverait probablement du cas de la « haute trahison » prévu par la Constitution. Tout le monde est là, surtout les sponsors.

Mais chut. Avant de lâcher les fauves, on se recueille dans le stade. Les haut-parleurs demandent à la foule de garder un moment de componction en mémoire des victimes de l’attentat qui vient de toucher Manchester. Vingt trois personnes sont aujourd’hui mortes dans ce carnage : des familles avec des enfants et des ados peut-être pas tous faciles. Des gens normaux qui venaient assister à un concert sans se douter qu’un illuminé avait planifié de transformer la salle de spectacle en boucherie. Le silence se fait.

La veille du match, une trentaine d’Égyptiens se sont fait massacrer dans un bus par d’autres exécuteurs des basses œuvres de Daesh. Cette fois encore, les enfants n’ont pas été épargnés. Cependant, ces Coptes n’ont pas eu l’honneur de la commisération du speaker du stade qui se faisait, à cet instant, la voix officielle du pays des droits de l’Homme et du supporter. Les gentils organisateurs du Stade de France avaient certainement eu vent du carnage mais ils n’ont pas jugé bon de disperser leurs suffrages au-delà de la Méditerranée. Charité bien ordonnée…

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Manifestations, piège à cons

L’onde de choc causée par l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis d’Amérique ne semble pas près de faiblir. Le désappointement des clintoniens est d’autant plus fort qu’on leur avait annoncé une victoire haut-la-main d’Hillary, la Mère la Victoire du nouveau désordre mondial. La guerre pour tous, ça devait être maintenant. Mais il faudra patienter d’autant plus que, chez nous, François Hollande a décidé de ne pas se présenter pour un nouveau mandat de destructions massives.

Une fois la victoire de Trump annoncée, on a eu droit aux manœuvres dilatoires habituelles. Il fallait évidemment recompter les voix : les USA ne sont pas la fédération socialiste du Nord de la France en 2008. Ensuite, on se mettait à gloser sur le système américain qui permettait à un candidat de l’emporter tout en ayant obtenu moins de voix que son concurrent. Mais c’est le jeu dans ce pays fédéral. Et la règle y est connue de tous et valable pour tous. Dans un match de tennis, ce n’est pas forcément celui qui marque le plus de points qui l’emporte. Wimbledon ne se gagne pas au contrôle continu et encore moins grâce à la discrimination positive. Si l’on ne possède pas l’esprit de compétition, il est préférable de pratiquer au niveau loisir.

Enfin, l’analyse s’est affinée en tentant de démontrer que Trump n’avait pas autant séduit l’électorat populaire que l’on voulait bien le prétendre. Là, on commence à reconnaître la défaite mais c’était à cause des hackers du Kremlin, du FBI et des poteaux carrés.

Maintenant se déroule le traditionnel « troisième tour social », baroud d’honneur des mauvais perdants qui n’aiment la démocratie que quand elle leur donne la fève. Tous ensemble, ils viennent hurler leur haine du fachisme, du sexisme et du complet-veston et faire cramer quelques poubelles qui l’avaient certainement bien cherché. Autour de cette cour des miracles virevolte une ribambelle de caméras de télévision qui, telle une nuée de vautours affamés guettant un convoi fourbu, viennent se disputer leur pitance de déchets organiques.

La dissidence antitrump n’a pas fini de brasser du vent. Tant qu’elle maîtrise son empreinte carbone, tout va bien.

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.