Étiquette : liberté d’expression

Liberté conditionnelle

« Que chacun prenne ses responsabilités et tire les conséquences ! » : ce genre de formule surgelée, vous l’entendez répéter chaque jour, aussi bien par un premier secrétaire du Parti Socialiste à court d’arguments que par un footballeur de l’équipe de France à court de neurones. Il faut dire que la langue de bois a des vertus que n’ont pas les autres idiomes internationaux – grec ancien, latin, français, anglais – et dont la première est la facilité avec laquelle on s’y forme. Elle offre un autre intérêt appréciable en livrant des phrases prêtes à l’emploi, ce qui dispense donc du périlleux exercice de composition linguistique que nombre de nos contemporains transforment immanquablement en massacre grammatical. C’est ce qu’appréciera tel sportif de haut niveau, déjà très occupé avec ses interminables séances de coups francs – ou de bimbo siliconée – à tirer.

Mais si la langue de bois s’est autant répandue à travers les médias, c’est peut-être aussi parce qu’elle permet à celui qui l’emploie de ne pas sortir des limites du politiquement-correct : depuis une trentaine d’années, l’espace de liberté de parole s’est singulièrement réduit, permettant à une ribambelle de moucherons-citoyens de restaurer l’esprit de 1793. L’usage de cette langue convenable – que l’on rapproche parfois de la novlangue orwellienne – apporte une sécurité quasi absolue. Puisqu’on arrive désormais à parler sans rien dire, plus aucun risque ! Ni d’être incompris, puisque ces arrangements de mots sont des façades cachant du vide, ni d’être compris, et c’est un peu ça le but. L’important, bien sûr, étant de pouvoir répondre dans le micro sans crainte d’y laisser sa peau, exercice ô combien difficile à notre époque de vertu impitoyable.

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