Détournement

Une des grandes forces de la bêtise tient à son caractère polymorphe : celui-ci la rend quasiment indécelable en la dissimulant derrière des semblants de pertinence qui ont tôt fait d’abuser nos esprits trop souvent enclins à la paresse. La pesanteur naturelle qui marque toutes les réalités de ce monde se fait aussi cruellement sentir à propos de certains artefacts : leur raison d’être demeurera à jamais obscure aux yeux de ceux qui tenteront de percer le mystère de leur cause finale. Les moins curieux, qui persistent à prendre leur propre absence d’esprit critique pour du pragmatisme, donneront quitus aux créateurs des gadgets les plus incongrus, estimant que tout ce qui se vend a forcément une raison d’être légitime. L’existentialisme appliqué au commerce…

Vous avez inévitablement dépassé, sur l’autoroute, une automobile familiale arborant en poupe un losange aux couleurs criardes et sur lequel figurait ce message rudimentaire : « Bébé à bord ». Nous considérerons, a priori, que le propriétaire dudit véhicule respecte davantage les limitations de vitesse que vous ne le faites ; ceci lui permettant de ne pas voir le capital de points de son permis se réduire comme une peau de chagrin, c’est-à-dire comme le vôtre. D’un autre côté, on s’en tape un peu de savoir qui roule le plus vite, de vous ou de lui. L’important est que vous ayez eu le l’occasion de prendre connaissance de la précieuse information délivrée par ce panonceau collé sur la lunette arrière : un nouveau-né est présent, là, dans cette voiture juste devant vous.

J’en viens à ma question : à quoi sert ce gadget inepte pour lequel d’aucuns sont prêts à débourser quinze euros ?

Un mien ami trouva l’endroit tout indiqué où poser cet objet : sur la porte de son congélateur, au moment de l’affaire Courjault. Il suffisait d’y penser…

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.